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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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le visage de ses généraux sa propre détermination, Sophos répondit : « C’est possible.
    — Alors partons, dit le guide. Le temps que nous économisons est du temps gagné. »
    Nous nous mîmes en route bien qu’il fût déjà plus de midi et nous dirigeâmes vers le flanc nord de la vallée. À cet endroit, la piste que nous avions parcourue pour atteindre la ville montait vers les hauteurs. Nous nous engageâmes dans une gorge étroite et longue parcourue par un torrent, et la remontâmes en colonne, les attaquants devant avec le guide, les cavaliers de Xéno en queue.
    Les journées s’étaient allongées, et le soleil nous accompagna jusqu’au couchant sur le flanc droit de la vallée. Nous fîmes halte dans une clairière, sorte de terrasse verdoyante assez vaste pour contenir le campement.
    Xéno et les siens gagnèrent la crête qui nous surplombait et aperçurent les villages sur une autre terrasse. Au crépuscule, des feux et des lampes apparurent.
    « Pourquoi n’attaquons-nous pas tout de suite ? interrogea Agasias. Nous nous débarrasserions ainsi de cette corvée et dînerions en paix.
    — Non, répondit Sophos. Je n’ai aucune envie d’attaquer dans le noir, en montagne. Nous le ferons à l’aube, après le déjeuner. »
    Le guide affirma : « Vous tuerez aussi les enfants et les femmes, à l’exception de celles que vous choisirez pour vous.
    — Non, notre accord ne le prévoit pas. Nous supprimerons tous ceux qui nous opposeront une résistance armée, et nous brûlerons les villages. Ne nous en demande pas plus. »
    Cette nuit-là, le ciel accueillit des millions d’étoiles, le voile blanc qui traversait le firmament sembla ondoyer comme secoué par un vent mystérieux, et l’air se remplit du parfum de fleurs inconnues.
    Après le dîner, Sophos monta sur la crête vêtu de sa cape, une lance au poing. Xéno l’aborda.
    « Je n’arrive pas à y croire. Dans quatre jours, nous verrons la mer, dit-il.
    — De fait, il ne faut pas y croire tant que nous ne l’aurons pas vue.
    — Oui, nous avons déjà rencontré tant d’embûches… »
    Ils observèrent un moment de silence, puis Xéno reprit la parole : « Que feras-tu, une fois que nous serons rentrés ?
    — Rien… Je n’atteindrai jamais Sparte. »
    Xéno en resta là : il était inutile de commenter la sentence que le général Sophos avait prononcée pour lui-même. Ils contemplèrent un moment encore les villages qu’ils étaient censés incendier le lendemain.
    Tandis que les hommes installaient le campement, j’avais découvert une source d’eau limpide sous un grand rocher recouvert de mousse. Je m’y rendis à la nuit, me déshabillai et me plongeai lentement dans l’eau glacée. Le froid me coupa le souffle, mais je pus enfin me laver, purifier mon corps et mes cheveux. Ce fut comme une renaissance, et, une fois couchée, je m’enfonçai dans un sommeil de pierre.
    Un chœur de hurlements de terreur et le crépitement sinistre du feu me réveillèrent. Je me précipitai dehors et m’aperçus que le campement n’était plus occupé que par un petit régiment. Je gagnai la crête et assistai au massacre, le prix que nos soldats payaient pour voir la mer.
    Les villageois se battaient de toutes leurs forces, mais ils étaient peu nombreux car l’attaque les avait surpris à l’aube. De multiples corps gisaient au sol, les femmes couraient, leurs enfants dans les bras, cherchant une issue dans les bois, d’autres sanglotaient sur la dépouille de leur mari. Les jeunes gens ramassaient les armes de leur père pour affronter les ennemis qui s’étaient abattus sur leur village endormi. Les cabanes au toit de bois et de paille brûlaient comme des torches, produisant des tourbillons de fumée et d’étincelles. Bientôt, le vacarme s’apaisa et l’on n’entendit plus que le crépitement des flammes. L’armée se remit en marche, menée par le guide, et détruisit tous les villages de la montagne, laissant derrière elle un sillage de ruines noircies. Ces ravages durèrent trois jours. Enfin, notre guide s’étant déclaré satisfait, nous reprîmes notre route vers la crête de la chaîne montagneuse.
    Au fur et à mesure que nous grimpions, la neige réapparaissait çà et là. On voyait éclore dans les pâturages de magnifiques fleurs blanches et charnues, et d’autres, plus haut, dotées de longs et minces pétales pourpres disposés en étoile, qui formaient un véritable

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