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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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désert, au-dessus du Grand Fleuve, loin de l’odeur de cette journée de sang.
    La lumière du jour nous réveilla. Les hommes se levèrent à grand-peine, courbatus et peut-être plus fatigués que lorsqu’ils s’étaient couchés. Et pourtant, la discipline et la force d’esprit l’emportaient, et chacun endossa son armure, prit place dans les rangs. C’est ce que fit Xéno, qui se comporta dès lors comme un soldat.
    Deux cavaliers survinrent alors : un Grec qui gouvernait une province perse du temps où Cyrus régnait sur l’Anatolie, ainsi qu’un certain Glous, un homme étrange aux cheveux longs, retenus sur la nuque par une barrette en or. Ariée les avait dépêchés.
    « Par chance, nous vous avons trouvés, dit Glous. Où aviez-vous échoué ?
    — Nous avons donné la chasse aux Perses jusqu’à la tombée de la nuit.
    — Cyrus est mort », déclara le Grec.
    Proxène allait lui répondre quand Cléarque l’arrêta d’un geste de la main. Il opina gravement du bonnet.
    « L’armée du Grand Roi campe non loin d’ici, poursuivit l’ami de Cyrus. Vous courez un grave danger.
    — C’est ce que tu crois ? rétorqua le général en chef. Écoute-moi bien, mon ami. Nous les avons balayés et poursuivis pendant plusieurs heures. Nous en avons fauché une quantité et les survivants sont maintenant à bonne distance. S’ils se montrent, ils recevront ce qu’ils méritent, et peu importe leur nombre. Si tu veux savoir ce que je compte faire, eh bien je m’apprêtais à les attaquer, car ils ne s’y attendent sûrement pas. »
    Glous le dévisagea ainsi qu’on dévisage un fou. « Oh ! j’en suis persuadé, car tu as vu leur nombre, n’est-ce pas ?
    — Il y a quatre-vingts ans, aux Portes ardentes, nous étions un contre cent et, si nous n’avions pas été trahis, nous les aurions bloqués sur le col et renvoyés chez eux à coups de pied au cul.
    — La situation est différente. Nous sommes en rase campagne et ils ont des détachements de cavalerie. Ils vous épuiseront, vous frapperont de loin, vous tueront l’un après l’autre. »
    Cléarque l’interrompit d’un geste sec de la main. « Retournez auprès d’Ariée. Dites-lui que nous sommes prêts à nous mettre à son service s’il entend s’emparer du trône. Deux de mes hommes vous accompagneront, et lui exposeront mon plan… »
    C’est alors que Sophos avança, sans qu’il eût été appelé. Cléarque promena le regard sur l’assemblée et croisa celui de Ménon de Thessalie. Il était couvert de sang, mais on ne lui voyait pas une seule égratignure.
    « … lui aussi », conclut-il en le désignant comme s’il déclamait tout haut la conclusion d’une pensée. L’air égaré, il poursuivit : « Quant à moi, il faut que je nourrisse mes garçons, comprenez-vous ? Je suis comme leur père. Je les punis durement lorsqu’ils commettent des erreurs, mais je veille à ce qu’ils aient à manger et à boire. Ils doivent récupérer leurs forces… Mes garçons ont besoin de manger… »
    Glous secoua la tête, perplexe, et monta à cheval avec les autres. Ils s’élancèrent au galop.
    « Rebroussons chemin », ordonna Cléarque qui mit sa monture au pas.
    Pourquoi devions-nous retourner sur les lieux de ce carnage, sur ce champ de mort sans fin ? C’était là que se trouvait notre salut, tout au moins pour un moment. Je le comprendrais bien vite.
    Cléarque enjoignit aux soldats de ramasser les flèches et les javelots qui jonchaient le sol ou qui étaient fichés dans les cadavres et, avec ce qu’il restait des chariots, d’accumuler assez de bois pour allumer un feu. On dépeça et découpa les carcasses d’une vingtaine de mulets et de chevaux, dont on cuisit la viande comme on le put.
    « La viande de cheval revigore, disait le général. Mangez, vous avez besoin de reprendre des forces. » Il distribuait des morceaux aux soldats, ainsi que le fait un père avec ses enfants. Mais c’était insuffisant pour dix mille hommes. Il offrit la dernière portion à un garçon de dix-huit ans et demeura à jeun.
    Socrate s’approcha : « Nous avons de la visite.
    — Encore ? demanda Cléarque en se levant.
    — Des individus qui parlent notre langue, répondit le général, avant de s’effacer devant deux hommes précédés d’un étendard de paix.
    — Je m’appelle Phalinos, déclara le premier.
    — Et moi Ctésias, dit le second.
    — Ctésias ? interrogea Cléarque.

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