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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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convoqua tous les généraux et leur demanda s’ils avaient ordonné à leurs hommes d’attaquer les Perses. Ceux-ci répondirent qu’ils avaient donné pour consigne de ne pas réagir aux provocations, sinon en cas d’affrontement direct. Cléarque déclara alors qu’il voulait en finir une fois pour toutes avec ce problème.
    « Et comment ? interrogea Sophos, qui était présent, tout comme Néon, devenu son ombre.
    — Je veux conférer avec Tissapherne, réunir en sommet nos hauts commandements respectifs.
    — Et tu espères trouver une solution ?
    — Je le crois. Cette situation n’est ni dans notre intérêt ni dans le sien, et Tissapherne n’ignore pas qu’en cas de guerre il subirait, dans le meilleur des cas, de lourdes pertes, et dans le pire une défaite. Nos hommes sont pleins de forces et bien acclimatés, ils ne craignent pas une attaque en masse, au contraire. Je suis sûr que les Perses accepteront de nous rencontrer.
    — Et comment penses-tu organiser ce sommet, si Tissapherne accepte ? demanda Socrate d’Achaïe.
    — En terrain neutre, à mi-chemin entre les deux campements. Escorte limitée, pas plus de cinquante hommes de chaque côté. Je veux des soldats vifs et rapides.
    — Je m’en occupe, dit Ménon.
    — Très bien. Envoie aujourd’hui même un groupe parlementer. Il se contentera de fixer le jour et l’heure de la rencontre. Je me charge personnellement du reste. »
    Ce soir-là, Socrate d’Achaïe dîna en notre compagnie devant la tente et nous raconta tout. Il était plutôt gai et sûr que les choses s’arrangeraient. Pour ma part, je n’en étais nullement persuadée. Après le départ de Socrate, mon esprit s’éclaircit soudain et je priai Xéno de m’écouter, bien que je ne fusse qu’une femme.
    « Voilà ce que Durgat voulait me dire : qu’un terrible danger plane sur nous. Elle savait mais ne pouvait parler. T’es-tu demandé pourquoi les attaques, les bagarres et les provocations se sont brusquement multipliées sans raison particulière ? Cette rencontre est un piège, j’en suis certaine. Il faut que tu les arrêtes. »
    Xéno secoua la tête, perplexe. « C’est seulement une impression. Si cette fille n’a rien dit, c’est parce qu’elle n’avait rien à dire.
    — Tu te trompes. Elle a utilisé avec moi le langage des femmes, le langage de l’intuition, de l’instinct, qui permet de flairer le danger, certaine que je comprendrais. C’était sa façon de me remercier sans mettre sa vie en péril. Il faut que tu les convainques de ne pas y aller. »
    Mes mots semblèrent frapper Xéno. J’avais les larmes aux yeux et je tremblais. Il tenta de me calmer.
    « Tu t’inquiètes sans motif. Cléarque prépare une rencontre préliminaire, rien de plus. Nous ne savons même pas si Tissapherne acceptera de conférer et s’il sera disposé à négocier. Dès que nous aurons sa réponse, nous évaluerons la situation.
    — Va trouver Cléarque, ou persuade Socrate de lui parler.
    — Et que dois-je lui dire ? Qu’une fille t’a regardée bizarrement ? Essaie de ne pas y penser. Dormons. Demain, quand nos envoyés reviendront, nous saurons si la rencontre aura lieu, ou pas. »
    Je m’y attendais. Qui aurait cru les divagations d’une femme ?
    Je ne fermai pas l’œil de la nuit.

13
    Peu avant l’aube, nos envoyés rapportèrent une réponse positive. Tissapherne acceptait ce sommet ; mieux, il envoyait dire qu’il en était heureux car les défiances et les malentendus cesseraient ainsi. Ils avaient également choisi le lieu où il se déroulerait : dans un pavillon situé non loin du Tigre, à trois stades de notre campement et du sien.
    Cléarque décida de partir le matin même. Il était suivi des généraux Agias d’Arcadie, Socrate d’Achaïe, Ménon de Thessalie et Proxène de Béotie. Une vingtaine de chefs de bataillon et cinquante gardes du corps, choisis parmi les soldats les plus forts et les plus courageux, les accompagnaient. Je pointai une nouvelle fois le doigt sur le danger : « Pourquoi tous ces hommes ? Pourquoi tous les officiers supérieurs ? Deux représentants expérimentés et habiles ne suffisaient-ils donc pas ? Ou Cléarque tout seul ?
    — Il semble que Tissapherne ait insisté sur ce point. Il veut que ses officiers fassent la connaissance des nôtres. Ce sera un banquet, au cours duquel des présents seront échangés. Bref, il entend créer un climat de confiance

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