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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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Ménon ?
    — Il ne le déteste pas. Peut-être le craint-il. Ils sont trop différents pour s’entendre, voilà tout. Xéno a été instruit par les grands maîtres dans le culte des vertus, Ménon a été élevé sur le champ de bataille. Xéno rêvait de jouer un rôle de premier plan dans la vie politique de sa cité, Ménon n’a songé qu’à survivre, à éviter les blessures et la mort…
    — … Et plus encore la captivité et la torture. C’est ce qu’il redoute le plus.
    — Je ne savais pas que Ménon de Thessalie connaissait la peur.
    — Il n’a pas peur de mourir. Même s’il ne le montre pas, il est terrifié à l’idée de tomber aux mains de l’ennemi, de subir les horribles mutilations qu’il a vues sur le corps de Cyrus, d’être défiguré par les tortures. La perfection de son corps est, pour lui, une valeur absolue, une œuvre démiurgique que personne ne peut violer.
    — Que signifie “démiurgique” ?
    — Que c’est l’œuvre du plus grand artisan, de celui qui nous a créés. »
    Une sonnerie de trompette l’interrompit. L’alarme !
    « Que se passe-t-il ? » demandai-je.
    Soudain, le regard ambré et lumineux de Mélissa trahit toutes les angoisses qui l’avaient tourmentée jusqu’à cet instant.
    Nous quittâmes aussitôt la tente et courûmes vers la lisière sud du campement, où l’on entrevoyait déjà un attroupement.
    La trompette continuait de sonner l’alarme, un son insistant et déchirant. Les soldats s’interrogeaient : « Qui est-ce ?
    — Un des nôtres ? Tu vois le caparaçon de son cheval ?
    — Il tient à grand-peine en selle !
    — Oui, regardez, il est penché vers l’avant, il risque de tomber.
    — Il est blessé ! Son cheval est couvert de sang. »
    Comme toujours, Sophos surgit du néant, monté sur son cheval bai. Néon, armé jusqu’aux dents, lui emboîtait le pas.
    « Que tous ceux qui possèdent une monture me suivent ! Alignez-vous immédiatement en rangs fermés ! Placez-vous dos à la colline en demi-cercle ! Vite ! Il n’y a pas de temps à perdre ! »
    C’est alors qu’apparut à l’horizon un nuage de poussière ainsi que des silhouettes spectrales de cavaliers galopant à bride abattue.
    « Suivez-moi ! » hurla Sophos, qui poussa son cheval. Néon et trois autres hommes s’élancèrent derrière lui. Ils rejoignirent le cavalier ensanglanté ; deux d’entre eux le soutinrent par les épaules. Sophos s’empara des rênes, et Néon se plaça en arrière-garde.
    Des flèches se mirent à pleuvoir autour d’eux. La trompette sonnait maintenant le rassemblement, et les guerriers accouraient sous leurs étendards comme si la voix du général Cléarque, qui n’était plus là, retentissait dans cette sonnerie. Ils s’alignèrent en rangs fermés, tournant le dos à une colline qui saillait tel un promontoire jusqu’à la rive du Tigre.
    Désormais, la scène s’offrait à nous dans toute sa réalité. Le cavalier était éventré, il pressait sur ses entrailles ses mains couvertes de sang. Sophos arrêta son cheval, sauta à terre et, aidé des trois soldats, transporta l’homme en le tenant par les bras et les jambes, puis courut se réfugier derrière les nôtres, dont les rangs s’ouvrirent et se refermèrent aussitôt.
    Je l’entendis crier : « Un chirurgien ! Appelez un chirurgien ! » Je me précipitai vers lui avec mon amie, pensant que nous pourrions être utiles. Mélissa ne cessait de demander : « Qui est-ce ? L’a-t-on reconnu ? Qui est-ce ?
    — Je l’ignore. »
    Les Perses arrivèrent peu à peu. Trouvant la phalange alignée, hérissée de pointes métalliques, impénétrable, ils galopèrent tout autour en lançant des nuées de flèches qui s’abattirent sans dommage sur le mur de boucliers.
    Mélissa et moi gagnâmes le pied de la colline. Penché sur le blessé, le chirurgien préparait ses instruments sur une bande de cuir posée par terre.
    « Apportez-moi de l’eau et du vinaigre, si vous en trouvez, cria-t-il en nous voyant. Tout de suite, sinon cet homme mourra ! »
    Quand nous revînmes, Sophos, à pied, menait la phalange en rangs serrés vers les cavaliers qui avaient encore le dos tourné au Tigre.
    Le chirurgien lava l’épouvantable plaie et donna au blessé un morceau de cuir à mordre. Il nous ordonna de lui tenir les bras et se mit au travail. Il repoussa les intestins dans la cavité de l’abdomen, recousit d’abord la membrane

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