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L'armée perdue

L'armée perdue

Titel: L'armée perdue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Valerio Manfredi
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qui les soutenait, puis les muscles et la peau. Le visage du soldat était terriblement contracté sous l’effet de la douleur.
    Agasias de Stymphale, un des officiers supérieurs qui étaient restés au campement, survint alors. « A-t-il dit quelque chose ?
    — Non, répondit le chirurgien. Crois-tu qu’il est en état de bavarder ?
    — En arrivant, il a appris à Sophos que nos soldats sont morts et que les généraux ont été capturés. »
    Incapable de se retenir, Mélissa interrogea : « Alors, les généraux sont en vie ? »
    Elle n’obtint aucune réponse. Ayant achevé la suture, le chirurgien y versa du vinaigre pur, ce qui arracha à l’opéré un dernier gémissement de douleur.
    « Les Perses s’en vont ! » entendit-on crier.
    Agasias se tourna un instant vers la phalange puis questionna une nouvelle fois le chirurgien : « Combien de temps peut-il vivre ?
    — Un coup d’épée lui a sectionné les muscles de l’abdomen, sans endommager toutefois les intestins. Il pourrait survivre deux jours, peut-être plus.
    — Maintiens-le en vie. Il faut que nous sachions tout ce qu’il est capable de nous dire. »
    Le chirurgien soupira et entreprit de panser la blessure.
    Le pauvre garçon venait d’Arcadie et se nommait Nicarque. Il perdit connaissance dès que le chirurgien eut achevé sa tâche.
    « Reste avec lui, dis-je à Mélissa. Je reviendrai plus tard. » Et je me dirigeai vers le campement.
    La nuit était tombée. L’escadron perse s’était retiré et avait disparu. Sans doute avait-il regagné sa base, ne pouvant espérer enfoncer la barrière de la phalange. Encore une fois les capes rouges avaient suscité chez l’ennemi terreur et respect. Sophos était parti avec un détachement d’éclaireurs patrouiller en direction du campement perse, et on ne le voyait pas rentrer. Je me dis qu’il était peut-être allé offrir la reddition, puis j’écartai aussitôt cette pensée : c’était lui qui avait aligné l’armée et sauvé Nicarque d’Arcadie.
    Je retournai à notre tente et y trouvai Xéno. Il passait la plus belle de ses armures, celle dont le bronze repoussé imitait la musculature du buste. Il s’empara d’une épée au fourreau décoré de sphinx ailés, d’un ceinturon à mailles d’argent, d’un casque corinthien doté d’un cimier rouge feu et de jambières en bronze argenté, ornées d’une tête de lion en relief à la hauteur du genou. Il était impressionnant. « Tu me fais peur », me contentai-je de lui dire, sachant que toute question ou tout commentaire l’eût irrité. Mais mon regard devait être éloquent : mes prévisions s’étaient avérées. Une chose en particulier me blessait : si un seul de ces grands guerriers avait daigné m’écouter, le drame aurait pu être évité.
    Xéno jeta sur ses épaules une cape grise et s’éloigna d’un pas lent.
    Le campement offrait un triste spectacle. En proie à l’effroi, les hommes s’entretenaient tout bas. Certains étaient assis à l’écart, la tête penchée. Peut-être pensaient-ils à leur maison, à leur femme, à leurs enfants qu’ils ne reverraient pas. Un chant mélancolique, un chœur fredonné dans un dialecte du nord que je ne comprenais pas, s’élevait çà et là. C’étaient peut-être les hommes de Ménon de Thessalie, privés de leur chef à la merveilleuse cape blanche, à la voix magnifique. Ménon, le blond soliste.
    Quelques soldats avaient allumé un feu et s’efforçaient de préparer le dîner, mais la plupart d’entre eux semblaient hébétés, frappés par la foudre. Ils étaient entourés d’ennemis, ignoraient dans quels lieux ils se trouvaient et quelle route les ramènerait chez eux. Soudain, je vis Xéno bondir sur un chariot et s’écrier : « Soldats ! »
    Dans le silence subit, sa voix retentit comme une sonnerie de trompette, et de nombreuses têtes se tournèrent vers lui. Éclairé par le feu, il évoquait une apparition. Sans doute avait-il étudié soigneusement cette entrée en matière.
    « Soldats ! répéta-t-il. Les Perses nous ont trahis. Comme vous l’avez appris, ils ont capturé nos généraux et massacré nos camarades qui s’étaient rendus à la rencontre sous les insignes de la paix. Ils avaient juré que nous marcherions ensemble jusqu’à la côte et que sur nos pactes s’établiraient des relations d’amitié et peut-être d’alliance. Ariée aussi nous a trahis. Il campait depuis un certain

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