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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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Mantoue, Milan, Pavie,
Crémone, prenaient tantôt une étiquette et tantôt une autre pour
vivre en guerroyant sous la croix de l’Église ou sous le drapeau de
l’Empire. Il fallait bien qu’elles choisissent entre la mort, alors
que la passion de vivre montait à flots, et une vie qui dut puiser
tous les aliments de sa force dans une vigilance active, une
curiosité sans lassitude, un effort physique et moral continu. De
là l’énergie des Républiques italiennes d’où l’esprit moderne,
qu’on le veuille ou non, est sorti.
    Si, au milieu de toutes ces villes rivales
prêtes à foncer l’une sur l’autre au lendemain de réconciliations
ardentes, Florence prit le plus violent essor, – au point
d’absorber la Toscane en deux siècles, de jouer un rôle puissant
dans la vie de l’Europe et de s’inscrire en traits d’acier dans
notre souvenir, – c’est qu’elle était au croisement des routes qui
réunissent Rome à l’Allemagne et l’une à l’autre les deux mers qui
bordent la péninsule. Toute la vie commerciale, militaire, morale
de l’Italie du Moyen Âge la traversait. La grâce, la vigueur du
pays qui l’environne allaient faire de ses sens embrasés de fièvre
et tendus, le moule naturel où la vie vint se modeler en images
accusées et nettes. Il faut se souvenir que la Toscane, quand elle
s’appelait l’Étrurie, avait déjà joué dans l’histoire un rôle
analogue à celui-là. Beaucoup des peintures étrusques ont
l’élégance bizarre qui caractérisera, deux mille années plus tard,
l’art des Toscans. L’Italie reçut de la France le gothique à l’aube
de la vie municipale de ses cités du Nord. Elle ne le comprit pas.
La forêt de la cathédrale n’était pas faite pour son ciel. Les
immenses nefs éteignaient dans leur pénombre silencieuse la fièvre
de son esprit. La France est un pays de plaines et de rivières, qui
réunissent. L’Italie est un pays de montagnes, qui divisent. Du
Nord au Sud, ses villes de bronze se menacent, au sommet de hautes
collines séparées par des ravins à pic. L’Italie du Moyen Âge ne
pouvait avoir d’architecture religieuse, parce que l’architecture
religieuse, à ce moment-là, emprunta sa grandeur aux désirs sociaux
qui la créèrent et que, par la nature d’un sol trop fragmenté et
d’un ciel trop clément pour faire sentir à l’homme la nécessité
d’aider l’homme, l’Italie avait plus besoin de passion et
d’intelligence, armes de l’individu, que d’instinct et de foi,
armes de l’espèce. Il faut le dire. En dehors des églises romanes
de la plus ancienne époque, leur fierté, leur force guerrière, leur
façade patinée d’or, les cathédrales italiennes sont laides. Sans
doute elles empruntent aux âpres et nerveuses villes qui montent en
tumulte à l’assaut de leur campanile, droit comme un mât dans
l’ouragan, un charme singulier, prenant, pervers et dont on ne peut
s’arracher qu’en dominant d’un effort, ses sensations
superficielles. Mais elles sont, dès l’apparition du gothique,
surchargées de décors, maniérées, grandiloquentes. C’était déjà
l’erreur des Romains sortant de leur architecture utilitaire pour
élever des temples aux politiciens parvenus. Les Italiens ne virent
pas que l’ornement est là pour définir, en les faisant plus élancés
ou plus légers, plus lourds ou plus larges, en les accentuant
directement dans le sens de leur fonction, les organes
indispensables du corps architectural. L’ornement, hors de ce rôle,
est un instrument de laideur. Il masque l’ossature de l’édifice
dont les saillies caractéristiques peuvent seules le justifier. Pas
d’architecture monumentale sans cohésion sociale. Ici les os
percent la peau, là les vêtements flottent. Toute la renaissance
architecturale italienne, toute l’architecture de l’Europe depuis
cette époque-là s’est enlisée dans la méconnaissance de ce principe
primordial. Et l’art ornemental méconnu des Français du
XIII e siècle a vengé l’architecture gothique en
envahissant une école qui n’eut pas et n’a pas encore d’autre
raison d’être que de combattre son magnifique enseignement.
    Dans les palais municipaux, créés pour des
besoins précis, définissant la personnalité violente et libre de la
cité, dans les palais privés définissant la personnalité tranchée,
dévorante, entière, du seigneur qui les habite, seigneur apportant
dans les villes, où l’Italie se

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