L'Art Médiéval
définir,
difficile à reconnaître, Byzance ne fournit pas à l’Italie une
seule idée dont la transplantation puisse devenir l’origine d’un
nouvel ordre architectural. L’Italie n’accepte la coupole que parce
qu’elle recouvre déjà le Panthéon. Quand Nicolas de Pise, en plein
XIII e siècle, alors que les imagiers français, maîtres
de la sculpture occidentale, sont appelés partout, étudie les
sarcophages romains pour apprendre à travailler le marbre, et
taille comme à la hache des figures pressées en foule, ardentes à
vivre, rudes, tendues dans un brutal effort, il dresse vis-à-vis
des artistes du Nord la revendication tranchante du génie latin
primitif. L’Italie n’oublie pas, parce qu’elle reste l’Italie.
On accorde trop souvent à une volonté de
tradition transmise par les écoles, la perpétuation de certaines
formes essentielles qui ne font qu’exprimer les désirs formels de
la race et les indications du sol. La colonne qui réapparaît au
fronton des églises et du haut en bas des tours de l’Italie romane,
était, dans tous les pays méditerranéens où les palmiers, les pins,
les ifs détachent leurs troncs lisses sur un ciel dur, une
expression naturelle qui ne pouvait disparaître. L’Antiquité,
l’Italie nouvelle s’accordent dans ces réseaux de galeries bordées
d’arcades qui tendent leur dentelle à jour sur les baptistères
ronds, les façades nues des temples et les campaniles carrés. La
basilique a fait appel aux arbres dont le feuillage net laisse voir
sous ses retombées la transparence et la limpidité du monde, pour
recouvrir de leur grâce et de leur fierté le grand vaisseau
romain.
Les besoins familiers et moyens de l’Italie
réclamaient cette architecture. La face de ses villes fortes et de
ses villas dispersées aux flancs des collines entre les cyprès,
imprime au cœur de ceux qui ne peuvent pas oublier la force
éducative de ses sévères et mélodieux profils, le souvenir précis
d’arcades blanches et de revêtements de marbre blanc et noir qui
mêlent de loin les cathédrales aux rouges effacés des toits. À
l’heure où le roman théocratique définissait dans le Nord et
l’Ouest de l’Europe le dogme architectural, Pise et Lucques et
beaucoup d’autres villes de l’Italie continentale allaient déjà,
par delà les tours et les temples, à l’expression populaire qui
convenait aux Italiens, comme la Commune française devait aller, un
siècle plus tard, à l’expression populaire qui convenait aux
Français. Le roman italien sort sans effort de l’esprit vivant de
la race. Elle n’aura pas à se soulever tout entière, comme la
France du Nord, pour réclamer le droit d’affirmer sa vision. Le
catholicisme, ici, n’a jamais cessé d’être un appareil extérieur de
domination politique qui, s’il ne laisse pas à l’homme la liberté
de la pensée, lui abandonne tout à fait celle de la sensation. La
galerie à colonnade définit l’église et la loggia et la maison de
ville et de campagne que Toscans et Lombards, s’ils restaient
livrés à eux-mêmes, bâtiraient encore aujourd’hui. C’est elle qui
soutient toujours, le long des rues dallées, pour abriter la foule
de l’averse et du soleil, les façades roses ou blanches dont les
rangées de volets verts montent jusqu’au bord du toit. C’est elle
qui se profile, à l’ombre des pins parasols, sur les terrasses
rectilignes des villas florentines. Et c’est elle qui protège, aux
portes des villes, les frais Campo-Santo dallés de marbre où l’on
marche sur les morts.
II
La vie, contrairement à ce qui se passa au
déclin des civilisations antiques, réapparut dans le Nord du pays.
Le Midi n’était pas aussi fortement labouré par les invasions
successives. Les barons normands, dans l’Italie méridionale,
avaient eu à se défendre contre un climat trop différent du leur,
contre une race plus énervée que celle de l’Italie continentale par
un effort plus ancien. En outre, ils demandaient la protection du
pape pour contenir les provinces conquises. L’organisation féodale
s’employa toute à briser leur action. Dans le Nord, au contraire,
les villes profitaient de la lutte entre le pape et l’empereur pour
conquérir l’autonomie et la fortifier par un système d’alliances
alternatives avec l’une des deux puissances qui se disputaient
l’Italie. Guelfes et Gibelins, Blancs et Noirs, Pise, Florence,
Lucques, Sienne, Parme, Modène, Bergame,
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