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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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deux premiers. Du moins quant à
l’intelligence de la forme, car on ne peut imaginer sentiment plus
profond que celui du maître siennois. Encore un coup c’est une
évolution tout à fait différente, caractérisant deux cités
également guerrières et se le démontrant au cours de luttes sans
merci, mais l’une ville de montagne, fermée, mystique, l’autre
ville de plaine, inquiète, ouverte, avide des voix du dehors.
Celle-ci, par surcroît, offrant ou faisant offrir à ses peintres de
grandes surfaces à orner où la fresque, véritable instrument de
l’âme italienne, se développe avec un enthousiaste élan, groupant
autour de lui un peuple d’ouvriers, éveillant la curiosité des
masses qui peuvent la contempler chaque jour. Il est très
remarquable que justement, des animateurs des deux écoles rivales,
l’un ait créé, pour ainsi dire, la technique définitive de la
peinture sur murailles tandis que l’autre employait son principal
effort à peindre l’immense miniature à compartiments où il raconte
la Passion avec une poésie sans égale, et que ses élèves siennois
aient tous été contraints de se rendre à Assise pour demander des
leçons à Giotto. De plus, Assise à part, les fresquistes siennois
n’ont guère peint qu’à Sienne ou dans le bourg très isolé de San
Gimignano, alors qu’on appelait un peu partout, non seulement à
Assise mais à Padoue, à Pise, à Arezzo, à Rome même Giotto et ses
élèves, Taddeo Gaddi, Orcagna, Giottino. Le seul Siennois qui ait
paru comprendre les leçons de Giotto, Pietro Lorenzetti, est
justement celui de tous qui est resté le plus longtemps et reste
encore méconnu et n’a exercé sur ses compatriotes, son frère y
compris, qu’une très maigre influence. Sa grande arabesque
enveloppante, qui inflige à toute la scène une expression unique et
qui est la marque essentielle de Giotto, de Raphaël, de Tintoret et
a donné son sens intérieur à l’art italien entier, est le seul nœud
qui unisse Florence à Sienne et indique leur participation commune
à la symphonie qui vient de naître et s’épanouira, avec Rome et
Venise, deux siècles plus tard.
    Il est difficile d’imaginer deux êtres,
tous deux ayant subi la même formation morale et ne pouvant en
subir une autre, plus différents que Giotto et Duccio, et c’est là
encore un signe de cet individualisme si neuf qui émerge et déjà
caractérise deux contemporains si fortement. Chez Duccio, la vie
spirituelle seule compte. C’est elle qui donne aux visages tant
d’intériorité, ce profond échange de fluide dans l’action
dramatique, cette intensité d’expression qui, sans nul artifice
extérieur, les attache à la même tragédie morale et les rassemble
autour d’elle, ce mouvement, ce tassement de foules balayées par le
même orage et que l’émouvante couleur, vert sombre, bleu sombre,
rouge sombre, accumulée par grandes masses sur fonds d’or,
concentre avec tant d’énergie. Il est surprenant, quand on le
compare à Giotto, de constater que là tout semble confus et mêlé,
cette couleur ténébreuse même, ces multitudes effrayées, ou
charmées, en proie à la douleur ou à la joie, ramassées pour le
travail ou le supplice, endormies par la fatigue, réveillées par la
tragédie ou l’aurore, où les personnages s’entassent les uns sur
les autres, et que pourtant tout s’ordonne spontanément grâce à la
puissance organique d’un ensemble qui obéit, dans son apparent
désordre, au même désir central. Tandis que chez le maître
florentin, l’ordre règne avant même que l’expression morale soit
cherchée, cinq ou six personnages représentant la foule là où
Duccio en place trente, la nature n’existant pas, l’homme seul
étant tout le drame, la couleur, presque abstraite, en tout cas
discrète et claire, et ne servant qu’à accuser et simplifier
l’ordonnance, les volumes à peine mais sûrement indiqués s’étageant
et se distribuant avec une harmonie précise qui exprime la
multitude au lieu de la représenter, et l’esprit passant dans les
formes beaucoup plus par le jeu des lignes que par la puissance
pittoresque et colorée du sentiment. Le miracle est que la
communion se fasse entre ces deux esprits qui trouvent, dans le
même motif aussi passionnément aimé par tous les deux, le prétexte
pour l’un de clore le vieux monde, pour l’autre d’ouvrir le
nouveau. Le drame mystique autour duquel s’est construit une
religion

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