L'Art Médiéval
dans les gazons d’un de ces verts à peu près noirs qui
font sentir la proximité des eaux vives, des fleurs entre toutes
les feuilles, des fleurs sur les tapis, partout des fleurs,
d’énormes fleurs qu’on retrouvait, à peine perceptibles, sur les
petites tasses de corail et de porcelaine où l’on déguste avec des
cuillers d’or, des confitures de fleurs. Dans les paysages rouges,
verts et or, dans leurs symphonies naturelles de velours précieux
et profond, passaient de fins chevaux noirs au galop, portant un
cavalier de race, le faucon au poing, l’aigrette brillante au
turban, de nerveux chevaux noirs dont le col se recourbe. Des
oiseaux diaprés volaient dans les arbres, et c’étaient des gennis
qui parlaient aux hommes, beaucoup mieux que ces oiseaux d’or aux
yeux de topaze qui chantaient en battant des ailes autour du trône
de l’autocrate byzantin. Des palais magiques ouvraient leurs portes
de lumière, portiques de dentelles, murs d’émail, murs damasquinés
brodés de gemmes, plafonds de cristal, tapis silencieux qui mènent
à des trônes d’or où des paons d’or étalent des queues d’émeraude,
jardins avec des bassins de porphyre et des jets d’eau où le soleil
allume des opales, terrasses blanches étagées, coupoles roses,
azurées, laiteuses qui semblent de la neige dans l’aurore, même au
centre de la nuit. Le soir venu, sur les eaux bleues, on écoutait
des musiciens en respirant l’odeur des fruits qui luisent au cœur
noir des arbres. Les effrits descendaient au milieu des hommes avec
des corbeilles de rubis et des corbeilles de topazes, et la lune
qui se levait était comme une perle tombée du collier d’étoiles qui
fait le tour de l’étendue… Traits subtils, tons éclatants éteints
par l’harmonie, pureté tremblante des ténèbres, lumière immobile du
jour, toutes les mille et une nuits rêvées par les vieux conteurs
qui, du soir au matin, parlaient intarissablement aux voyageurs
hilares assis en cercle sous la tente…
Races étranges, toutes en contrastes, plus
surprenants et plus accusés à mesure qu’elles s’enfoncent au
désert, qu’elles habitent loin des villes et que leur soleil est
plus lourd. Elles portent des robes de soie verte et rouge sous les
burnous de laine blanche et harnachent d’or leurs chevaux. Les
armes qu’elles forgent sont encroûtées de gemmes et elles
conservent l’eau pure dans le cuivre damasquiné. Elles ne
connaissent, hors le silence et la contemplation mélancolique, que
le rire frénétique et les clameurs. Elles oublient, pour
d’incroyables et brusques ripailles, leur sobriété naturelle.
Elles méprisent la mort, elles méprisent la
vie. L’extase succède chez elles à des crises de sensualité sans
mesure. Leur paradis abstrait est peuplé de femmes. Leur effroyable
fanatisme n’a d’égale que leur effroyable inertie et la fuite du
temps n’est rien, et elles laissent crouler leurs temples avec
autant d’indifférence qu’elles mirent d’ardeur à les bâtir.
Les climats excessifs, les grands contrastes
naturels, la vie nomade ont fait cette ignorance – ou ce dédain –
des beaux équilibres de l’âme. L’oasis est trop fraîche après les
sables, l’eau si douce aux lèvres brûlées, les villes offrent aux
errants tant de voluptés et d’or ! Le riche aura cent femmes
et le pauvre n’en aura pas, et le vide sera impossible à combler
entre les absolus métaphysiques et la pire bestialité.
Or, les races d’Occident comblent ce vide en
explorant les chemins qu’il faut suivre pour monter de la vie
sensuelle et par la vie sensuelle au seuil de la vie héroïque. Les
races d’Occident et quelques-unes parmi les races d’Orient qui
appartiennent aux mêmes groupes ethniques que les peuples
européens. Sans doute est-ce pour cela que les Persans, dont
l’esprit était moins spacieux peut-être, mais certainement plus
curieux que l’esprit des Sémites, ne faillirent jamais à leur rôle
historique qui est de perpétuer dans l’avenir un peu des
civilisations immémoriales de la contrée des fleuves. C’est pour
cela qu’il n’y eut pas dans l’art des Persans, entre la Perse
sassanide et la Perse musulmane, de solution de continuité, et que
les tapis et les vases continuèrent à sortir de leurs ateliers.
C’est pour cela qu’ils se relevèrent des invasions tartares et
survécurent trois siècles à la grandeur arabe. C’est aussi pour
cela que les adorateurs des
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