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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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autre, à un peuple
privilégié, les conquêtes de son silence. Il ne s’aperçoit pas qu’à
l’heure où il regarde en lui pour y voir monter le flot, les plus
fortes villes de la France du Nord, Le Mans d’abord et Cambrai,
puis Noyon, Laon, Sens, Amiens, Soissons, Reims, Beauvais,
quelquefois soutenues par la monarchie qui sent en elles un appui
contre les seigneurs, s’érigent en communes libres par le refus de
l’impôt, les proscriptions, l’insurrection à main armée. Il y eut
des cadavres d’évêques traînés par les rues.
    Il importe peu que le mouvement communal ait
eu un prétexte étroitement intéressé. Contre l’esprit du
christianisme des Conciles dont l’obéissance constituait le
principe fondamental, l’esprit de la France qui devait, par la
Renaissance et l’Encyclopédie, aller à la Révolution, l’esprit de
la France s’y révélait pour la première fois avec une jeunesse et
une force qu’il ne retrouva jamais. Deux cents ans, il valut aux
villes de l’Île-de-France, de la Picardie, de la Champagne, une
civilisation touffue, confuse d’apparences, mais d’un rythme
intérieur puissant, qui contraignit la féodalité à se réfugier dans
les campagnes pour y provoquer la Jacquerie deux ou trois siècles
plus tard et à se ruer, sous prétexte d’exterminer l’hérésie, sur
les cités méridionales dont elle écrasa la culture et le libre
esprit grandissant. Ce fut la rançon terrible de la liberté du
Nord. Les foyers d’énergie étaient encore trop dispersés sur notre
sol, l’antagonisme trop tranché entre les provinces, pour que
l’esprit du peuple pût se sentir solidaire partout et renverser
dans un effort coordonné les puissances politiques dont il avait
encore besoin pour le couvrir contre l’ennemi du dehors.
    De vie ardente, parce qu’elle avait été très
longtemps contenue, parce que tout être y tenait l’emploi qui
répondait à ce qu’il savait faire, association en profondeur de
fortes corporations où les tempéraments individuels n’obéissaient à
d’autres règles qu’à cette harmonie spontanée qu’ont les bois,
faits de cent mille arbres plongeant au même sol, arrosés des mêmes
pluies, fécondés par les mêmes vents, la Commune française entra
dans l’histoire avec une puissance qui lui donne ce caractère de
nécessité qu’ont pris maintenant à nos yeux « le miracle
grec » et « le miracle juif ». L’art formidable et
un qui l’exprima naquit, mourut avec elle, et sur place. Il fut
l’âme française livrée à elle-même pour la première et la dernière
fois. Les peuples qu’il pénétra de son action vivante purent
l’accueillir pour l’adapter à leurs besoins, ils ne pouvaient
toucher à son principe intérieur sans ruiner du même coup sa
signification nationale et sociale. Entre les Vosges, la Manche et
la Loire, il fut réellement la vie, l’ordre, la vérité. Il fut la
grange et la ferme, et la maison des villes qui dentelait le ciel
de découpures et de pointes, l’étroite maison de terre et de bois
bordant les ponts bossus et les ruelles tourmentées. Il fut le mur
épais mordant le roc, le mur haut et net comme une conscience, le
refuge altier qui dominait la mer, l’égoïste abbaye où s’écoulaient
de lentes vies, rythmées par l’heure des offices. Il fut la petite
église des campagnes autour de qui s’assemblaient quelques chaumes,
au pied de la courtine du château, sous le donjon qui défendit,
pendant dix générations d’hommes, le contact prolongé et fécond de
ceux qui vivaient à son ombre avec ceux qu’il recelait. Il fut la
grande cathédrale. Il fut la force, il fut le rêve et le besoin, le
ventre, et le cœur, et l’armure. Partout une harmonie spontanée qui
sortit du désir populaire pour s’éteindre peu à peu en même temps
que lui. Les tours crénelées affirmaient sans doute, face à la
Commune productrice, le principe en apparence antagoniste du droit
de conquête. Elles affirmaient avec elle le même principe vivant.
Elles étaient bâties par le maître maçon qui dirigeait les travaux
de la cathédrale. Et la cathédrale naquit avec les communes,
grandit et se couvrit pendant leur âge mûr de statues et de
verrières, languit et s’arrêta de croître quand elles déclinèrent
et moururent. Noyon, Soissons, Laon, Reims, Amiens, Sens, Beauvais.
Là où naît la grande Commune, la grande cathédrale apparaît,
d’autant plus vaste et plus hardie que la

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