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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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ténèbres.
    Tout ce qui donne à la cathédrale sa
signification, tout ce qui détermine son aspect, l’irrésistible
ascension de ses lignes, le balancement des courbes qui l’élèvent
au-dessus des villes, tout est amené par le désir de la lumière, et
le désir de la lumière s’est accru chez ses architectes en même
temps que le maniement de ses courbes et de ses lignes leur
devenait plus familier. Jamais édifice moins menteur n’accusa sa
fonction avec une telle innocence. Partout les os y affleuraient la
chair, chacun reconnaissait son rôle, il n’était pas un
enfoncement, il n’était pas une saillie qui ne justifiât sa
présence. La charpente extérieure immuable, les immenses arceaux
parallèles qui s’élancent de partout pour suspendre la nef centrale
ou rayonner au chevet la lancent, la bercent dans l’espace, pareils
aux membres articulés d’un gigantesque animal. Chacun de ses
organes, du plus fier au plus obscur, participe à sa puissance,
l’humble ornement, la fleur qui frôle un plan trop nu, le
bas-relief léger qui fait remuer un profil, les clochetons qui
chargent les pinacles pour augmenter la force des piles où portent
les arcs-boutants, les niches à statues creusant les contreforts
partout où la poussée est nulle, les gargouilles rejetant loin les
eaux de pluie qui trouent et rongent, les longues colonnes évidées
sur le corps même des piliers pour donner aux supports des voûtes
cet élan nerveux et soutenu qui s’épanouit à leur sommet avec
l’aisance d’une gerbe.
    Nulle part l’ornement sculpté n’entra ainsi
dans l’édifice. Chez les Indiens, la statue fait corps avec lui
parce qu’elle sort en même temps que lui d’une conception
panthéistique de la vie qui entraîne pêle-mêle les constructeurs et
les statuaires dans son propre mouvement. Ici, non seulement
l’unité de conception, de traditions et de croyances emporte d’un
même élan tous ceux qui travaillent, mais il n’est pas une statue,
pas une colonne ouvragée, pas une branche, un fruit sur la muraille
qui ne soit là pour donner à l’ensemble plus d’équilibre et de
solidité. L’ornement anime, fait remuer, emporte dans l’espace tout
ce qui sert à immobiliser la cathédrale et à la rattacher au
sol.
    Nue au début, à Sens, à Saint-Denis, au
premier étage de Paris, à Soissons, nue comme une race abordant la
vie, la cathédrale se couvrit en un siècle des formes que cette
race avait trouvées sur son chemin. Les porches, les tympans, les
linteaux, les galeries à colonnettes, les hautes tours, orgues
sonores élevant d’un vol leurs futaies de pierres serrées, tout ce
sol d’abord dépouillé germa en bas-reliefs tremblants, en rinceaux
regorgeant de sève, en mille statues puissantes où la vie d’un
peuple frémissait. Dans le brouillard ou le soleil, le monde des
images peintes fait participer les façades, de la base sévère à
l’emportement des tours, au mouvement des rues noires où les
campagnes voisines pénètrent sans arrêt avec les colporteurs, les
marchands, leurs chevaux, leurs moutons, les bateliers et les
maraîchers qui apportent à la ville les légumes et le bois. Les
jours de prière, on demande aux symboles de pierre qui environnent
Chartres d’une foule d’êtres purs et doux, le sens humain de
l’émotion mystique. Les jours de pluie on se réfugie sous les
porches de Notre-Dame, les trois porches inscrits dans la muraille
nue, sobres, simples, assis comme elle, pour y commenter les
histoires que les imagiers, depuis un siècle, y racontent à l’abri.
Les jours de fête et de beau temps, on regarde fleurir la façade
d’Amiens, comme si les moissonneurs et les vendangeurs de ses
portes la couvraient de pampres et de gerbes, des galeries brodées
aux flammes de la grande rose. Les jours de foire, on reconnaît les
bœufs penchés sur la campagne du haut des tours de Laon. Les jours
de sacre ou de pompe royale, quand les cortèges défilent entre les
maisons étroites où pendent des tapisseries, on s’engouffre
pêle-mêle avec leurs harmonies et leurs tumultes dans les cinq
porches de Bourges ruisselant de sculptures peintes, on les
prolonge jusqu’au sommet de Reims d’où croule incessamment le
torrent des couleurs et des formes de la nature.
    Mais au-dedans, pas une image. La nef perdrait
de sa sonorité, de sa grandeur, de sa lumière. La voûte, le
principe générateur, est nue, et seul le chapiteau des colonnes
fleurit. Les

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