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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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guerre
méthodique, un but défini à atteindre, la victoire, la rigueur
pratique et posée d’une civilisation qui se détermine et s’assied.
Quand il n’y a plus là que des ruines, ou des travaux abandonnés,
ici les tours à pinacles s’élèvent et les clochers qui s’élancent,
et les façades grésillantes qu’on dirait de givre et de verre, et
l’étroit réseau grillagé des stalactites de pierre. Pour que la
poésie fantômale, aérienne et vague du peuple anglais s’empare de
ces monuments glacés et magnifiques, il faut que la lumière de la
lune y jette un voile bleu, ou que les flèches aiguës, émergeant
des feuilles mouillées, sortent du brouillard. L’art septentrional
réclame la complicité de la vapeur répandue dans l’espace, du
feuillage, de l’eau dormante, de la lueur imprécise des nuits. Ce
n’est pas seulement par leurs formidables profils que les manoirs
rectangulaires qui dressent au-dessus des lacs leurs tours
polygonales, pèsent sur l’histoire sinistre du Moyen Âge anglais.
Ils n’entreraient pas dans le rêve puissant de ce peuple aussi
volontaire que leurs arêtes, aussi résistant que leurs murs, mais
dont l’âme, quand elle regarde au fond d’elle, est aussi noyée
qu’eux de brume et de clartés nocturnes, si un manteau de lierre ne
les couvrait du haut en bas, si le sang ne filtrait pas entre leurs
pierres, si l’écho d’une hache qui tombe ne s’entendait pas quand
on traverse leurs corridors noirs où des spectres errants vous
frôlent. L’âme du Nord n’a pu se définir par les lignes visibles du
monde, et les limites du poème ou de la musique seules sont assez
flottantes pour l’accueillir et la bercer.

III
    La mer, avec son flux et son reflux, porte
l’esprit d’un bord à l’autre de ses rives. L’Angleterre, qui devait
tant aux Scandinaves, jeta à son tour l’art anglo-normand en
Norvège tandis que la Suède, où Etienne Bonneuil était venu de
France, à la fin du XIII e siècle, bâtir avec des
compagnons la cathédrale d’Upsal, recevait par la Baltique
l’architecture allemande et l’architecture française mélangées.
Indirectement, c’est encore l’art français qui fécondait le versant
oriental de la péninsule du Nord, puisque l’art allemand venait en
ligne droite des maçons de Champagne, d’Île-de-France et de
Picardie.
    Ce n’est pas que l’Allemagne n’eût tenté, à
diverses reprises, depuis les plus obscurs moments du Moyen Âge, de
se faire un art national avec les éléments qu’elle recevait du
dehors ou tirait d’elle-même. Charlemagne avait créé une
civilisation mixte, antique, byzantine, germanique et chrétienne,
dont l’expression plastique a à peu près disparu. Travail de moines
et de scribes, rude et faux, qui devait mourir. Quand le roman
parut il trouva, au contraire, un terrain social et politique
parfaitement apte à lui donner un caractère très puissant, très
net, très pur. Le Saint-Empire, le clergé, la féodalité s’y
rencontrent une minute et scellent ces pierres énormes d’un si dur
ciment moral qu’il ne paraissait pas possible que l’Allemagne
mystique et guerrière renonçât jamais à bâtir ces murs rouges salis
par la pluie que l’ornement et la statue n’animent presque jamais.
En fait, elle y renonça tard, et de très mauvaise grâce. Et quand
la Bohême voulut une architecture nationale et en chercha près
d’elle les plus solides matériaux, c’est dans la combinaison
nerveuse et sobre du massif roman d’Allemagne et du style ogival
français qu’elle en trouva la formule. Les temples des bords du
Rhin où les formes rondes et octogonales se combinent dans les
absides, dans les transepts, les quatre tours d’angle et les courts
clochers incurvés, n’exprimèrent sans doute jamais, non plus
qu’aucune autre forme architecturale en Allemagne, l’émotion
vivante d’un peuple, mais le pouvoir des castes militaires et
religieuses associées que reconnaissaient les classes populaires
spontanément, fidèlement, lourdement disciplinées. L’âme vraie des
foules allemandes ne fut jamais dans la pierre. En ces temps-là
ceux qui la révélaient à l’avenir, c’étaient les jongleurs nomades
qui chantaient les Niebelungen, en attendant les maîtres chanteurs
des villes industrielles et les héros musiciens des heures
d’espérance ou de désespoir, Luther, Sébastien Bach, Beethoven,
Richard Wagner. La cathédrale allemande se fait et se défait

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