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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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donnant d’autant plus d’élan à l’édifice que la forme
pyramidale s’y dessine depuis le sol jusqu’au sommet de la flèche
plantée en plein centre de la façade, sur une tour unique qui
ramasse l’ensemble pour le porter plus haut, et vers qui des
clochetons aigus s’élancent de toutes parts. C’est au gothique
allemand que pensaient les écrivains qui définissaient
l’architecture catholique du Moyen Âge comme une aspiration
impétueuse vers le ciel. Aspiration surtout morale à qui n’a jamais
tout à fait répondu un équilibre de structure comparable à celui
qui donne aux tours de Reims leur légèreté aérienne, au vieux
clocher de Chartres son élan pur et sans fin, aux tours de
Notre-Dame ou d’Amiens la force redoutable d’élever le pavé des
villes jusqu’au sein de l’espace où il reçoit tous les jours de
printemps et d’été et d’automne la caresse dorée des derniers
moments du soleil. Noble effort, cependant, puissante élévation
mystique du sentiment humain vers l’amour déchirant de cette chose
inconnue qu’est le sens de la vie et que la grande musique viendra,
cinq siècles plus tard, remuer au fond de nos cœurs.
    Dans le nord de l’Allemagne, où passe moins la
guerre, où les plaines nues qui vont jusqu’au bord de la mer
contrastent avec les rochers surplombant et les brumes traînantes
du Rhin et les forêts de sapins noirs des régions montagneuses de
la Bavière et de l’Autriche, où les villes hanséatiques les plus
puissantes de l’Empire, Lübeck, Brême, Hambourg, tenaient le
commerce de toute l’Europe septentrionale, des comptoirs de Londres
et de Bruges aux foires de Nijni-Novgorod, l’essor pyramidal des
églises était bien moins éperdu. Parmi le gros négoce et la vie
maritime, les solides Rathaus opposaient aux embruns salés qui
couvrent de lèpre verte les clochers de cuivre pointant au-dessus
des toits rouges, des murs hauts comme des falaises, allégés
d’ouvertures circulaires entre des tourelles aiguës. Le vernis noir
et bleu des briques y mettait un enduit visqueux, et les pêcheurs
bottés de peaux de phoque qui rentraient de la banquise y
retrouvaient leur ciel d’ardoise, leur mer huileuse, le miroitement
terne du goudron de leurs bateaux. Ici, le sol et l’eau reprenaient
l’architecture, et l’ogive lui restituait une figure originale en
l’adaptant à sa fonction.
    Plus profondément enracinée que la grande idée
catholique qui eût voulu couvrir l’Europe de temples partout
pareils, la fonction locale de l’édifice, au moins dans les pays
très caractérisés, pesait en effet sur lui jusqu’à lui faire
toucher la terre de partout. Les Hollandais, peuple positif,
médiocrement idéaliste et spontanément équilibré, conservèrent
jusqu’à l’époque où, en Allemagne et en France, la complication
grandissante de l’architecture ogivale marquait la fin de la
société médiévale, les principes essentiels de ses monuments
primitifs. L’indépendance et la réforme s’annonçaient par les nefs
dénudées, la massivité, la rondeur des piliers qui les soutiennent,
la force trapue et ramassée qui correspond à leur esprit de
commerçants sérieux, d’ingénieurs, de solides soldats occasionnels,
depuis les épaisses digues basses qui font reculer la mer et les
bateaux ventrus et lents qui pénètrent au milieu des pâturages,
jusqu’aux édifices d’aujourd’hui où se prolonge, parmi
l’architecture anarchique de l’Europe, un inébranlable bon sens.
Plus près du sol où s’élevait la cathédrale populaire, en Flandre,
dès la fin du XII e siècle, les villes ouvrières où l’on
travaillait les peaux et les laines, où l’on tissait et teignait
les draps, Bruges, Ypres surtout, bâtissaient des halles
formidables, dont les murs verticaux troués par deux rangs
réguliers de fenêtres, ont l’assurance de la nécessité, et qui
traduisaient sans hésitation un idéal catégorique, grâce à
« un siècle d’amitié » [33] .
Admirable héroïsme du besoin populaire triomphant de tous les
intérêts étroits et faisant mentir les systèmes qui tentent de le
ramener à une forme abstraite, universelle et dogmatique. L’art
ogival fut si peu le langage du christianisme dépouillé de toute
attache locale et matérielle, que si son expression sociale, en
France, prit une forme extérieure religieuse, le principe qu’il
apportait engendra, dans les Flandres, des édifices de commerce,
comme il

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