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L'Art Médiéval

L'Art Médiéval

Titel: L'Art Médiéval Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Élie Faure
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fâcheux exemple

dans les voies septentrionales où ni son génie, ni son climat,
ni ses formes extérieures n’eussent pu l’engager spontanément. Bien
entendu, Brunelleschi force la note, justement pour réagir contre
ces directions-là. Il tend, pour ainsi dire, comme une étoffe
rigide, la nudité des ordonnances, supprimant l’ornement gothique,
inscrivant les façades entre d’inflexibles horizontales, imposant
aux premières assises des pierres non équarries pour accuser la
force de ces palais rectangulaires où la logique pure règne, où
plus aucun prétexte ne permet aux fantaisies sentimentales ou à
l’amour du mystère et de l’effet de se glisser. Ses élèves
Michelozzi, Benedetto da Majano, Cronaca déposeront au seuil du
XVI e siècle ces principes rigoureux où nulle concession
n’est consentie, où l’extérieur même est repris au goût du décor,
où le plein cintre remplace partout la lance unique ou multilobée
de l’ogive, plus légère certes, mais étrangère d’esprit. Est-ce là
un retour à l’architecture romaine ? Oui et non. Brunelleschi
en a passionnément étudié les éléments internes, ce qui suspend la
pierre dans l’espace et fait supporter aux murs tout le poids du
vaisseau. Mais rien d’extérieur, si ce n’est la sobriété, ne
rappelle autre chose que ses édifices civils

arènes,
aqueducs, théâtres

qui sont justement la marque du génie
italien, et même étrusque, c’est-à-dire, en somme, toscan.
Brunelleschi rompt avec les colonnes et pilastres d’origine
hellénique dont les architectes romains avaient abusé pour les
temples et les monuments triomphaux. Allant plus loin qu’eux en ce
sens, il laïcise l’édifice religieux. L’énorme dôme de Florence,
qui s’enlève sur ses nervures avec tant de majesté, n’a lui-même
rien à voir avec la voûte continue, épaisse, ténébreuse du
Romain : il est l’apport d’une Italie humanisée, en tout cas
subtilisée par dix siècles de christianisme, plus impétueuse, plus
ardente, mais aussi résolue que Rome même à subordonner au principe
civil le principe religieux.
    Cependant, l’exemple qu’il donne est loin
d’être compris de tous. Si Palladio, au XVI e siècle, en
retient la clarté, la netteté, l’amplitude des conceptions, si même
l’architecture civile garde encore, jusqu’au cœur du
XVII e siècle, quelque goût des lignes sobres et des
ordonnances sévères, l’action conjuguée du retour mal compris vers
les formules antiques que les fouilles suggèrent de plus en plus,
de l’effondrement de l’esprit républicain, de l’influence des
Jésuites cherchant à ramener les multitudes au catholicisme,
prépare de nouveau dans l’architecture religieuse l’offensive de
l’ornement. Le décor gothique est à peu près abandonné, mais le
décor antique prend sa place. Le fronton, la colonne, le pilastre,
le chapiteau corinthien vont maintenant tenir le rôle que les
colonnettes, les rosaces, les flammes rayonnantes, les trèfles et
les ogives des cathédrales françaises incomprises avaient joué aux
XIII e et XIV e siècles pour séduire l’individu
cherchant sa loi hors de l’unité spirituelle que le temple roman
figurait encore. L’essai de réaction de Bramante, s’efforçant
d’accuser par l’appareil gréco-latin les arêtes de l’édifice
religieux, n’est pas compris de ses successeurs qui les noient, au
contraire, sous une exubérance grandissante. La fameuse façade de
la Chartreuse de Pavie, réussie en soi, certes

trop
réussie

est le type de l’ornement pour lui-même, des
fenêtres pour elles-mêmes, des pleins et vides pour eux-mêmes et
ouvre ainsi avec fracas les portes de la décadence. Mais les
aberrations ornementales qui vont bientôt constituer le style
dit
baroque
ne sont plus la Renaissance, pas plus que la
peinture bolonaise ne peut prétendre lui appartenir. La
Renaissance, à dater de la mort de Michel-Ange, dont la longue
existence conduit sa plus ardente jeunesse, puisqu’il est l’élève
de Ghirlandajo, au seuil des grands États modernes détachés de la
tutelle religieuse, la Renaissance n’est plus qu’une expression
historique. Elle a terminé sa tâche immense, et le monde en sort
comme d’un rêve, ébloui et désenchanté. Et c’est justement
Michel-Ange qui porte à leur expression la plus haute ses énergies
de création et ses énergies de dissolution, qu’il résume dans son
œuvre avec la

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