L'assassin de Sherwood
notre bon médecin, ce vin également avait été empoisonné. Une seule gorgée a suffi pour que vous ayez un flux de ventre.
Corbett regarda le moine qui, assis sur un tabouret, mains sur les genoux, somnolait presque.
— Je vous demande pardon, mon frère, où étiez-vous lorsqu’on a découvert le corps de Sir Eustace ?
— J’étais revenu à la chapelle pour ranger un peu après l’office. Sir Peter a envoyé un serviteur me chercher. Je suis monté et j’ai fait la seule chose que je pouvais faire : donner l’extrême-onction à Sir Eustace.
— Vous avez déjà vu beaucoup de cadavres, mon frère ?
Le moine lança un coup d’oeil malicieux à Corbett.
— Oh, que oui ! Plus que vous, Sir Hugh. J’étais chapelain dans les armées du roi, sur les Marches écossaises.
— Et quand vous lui avez administré les derniers sacrements, diriez-vous que Sir Eustace était mort depuis longtemps ou qu’il avait succombé juste avant que Sir Peter ne frappe à la porte ?
L’ecclésiastique plissa les paupières.
— La rigidité cadavérique avait commencé, expliqua-t-il après un moment de réflexion. Le corps était encore souple, bien que ses membres fussent déjà un peu raides. Sir Eustace est monté se coucher une heure avant minuit. J’ai donné l’extrême-onction à sa pauvre dépouille entre huit et neuf heures du matin.
Il regarda Corbett bien en face :
— Franchement, Sir Hugh, je crois que Sir Eustace peut très bien avoir perdu la vie avant minuit.
Il eut un sourire amer :
— Minuit, l’heure fatale où l’on rend son âme à Dieu plus souvent qu’à toute autre heure !
Corbett se gratta le front. Il y perdait son latin, et en plus, se sentait fatigué après le voyage. Il se frotta les yeux. « Il n’y a rien, soupira-t-il pour lui-même, rien, pas le moindre début de piste. »
— Donc, résuma-t-il à mi-voix, nous ignorons comment Sir Eustace est mort et qui l’a tué !
— Oh, mais non ! s’exclama Branwood. C’est le hors-la-loi Robin des Bois !
— Et comment aurait-il pu pénétrer dans ce château en pleine nuit et administrer une potion mortelle à un homme qui se méfiait de lui ? s’étonna Corbett. Pourquoi dites-vous cela ?
Branwood fouilla dans son escarcelle et jeta à Corbett un bout de parchemin graisseux.
— Parce que c’est ce que proclame Robin des Bois.
CHAPITRE II
Corbett fixait les mots gribouillés sur le parchemin et n’en croyait pas ses yeux :
S IR E USTACE V ECHEY , SOI - DISANT SHÉRIF DE N OTTINGHAM , EXÉCUTÉ SUR ORDRE DE R OBIN DES B OIS . P ETER B RANWOOD , SOI - DISANT ASSISTANT SHÉRIF , EXÉCUTÉ SUR ORDRE DE R OBIN DES B OIS .
Il parcourut lentement le message et coula un regard interrogateur vers Branwood :
— Vous aussi étiez censé périr ! Mais pourquoi ne pas m’avoir montré cela immédiatement ?
— Je vous ai bien dit que Robin des Bois était le responsable ! Vechey est mort et moi aussi je devrais l’être ! Nul doute que ce larron ne bénéficie de complicités ici, dans ce château. J’ai pensé, ajouta-t-il en toussant, un peu gêné, qu’il était de mon devoir de vous observer, de voir à quelles conclusions vous aboutissiez. Vous savez tout, maintenant.
Corbett relut la proclamation :
— Par la sainte Croix, jura-t-il, ce hors-la-loi ne se mouche pas du pied ! Il finit sa lettre par « F AIT EN NOTRE CHÂTEAU DE S HERWOOD ».
Il lança négligemment le parchemin à Branwood :
— Je veux voir ce mécréant pendu en haut des remparts ! Où était cloué ce message ?
— Nulle part. On l’a expédié par flèche dans la basse-cour {12} . Corbett contempla une immense toile d’araignée tendue au coin d’une poutre.
— Cette lettre prouve une chose, déclara-t-il. Il y est écrit « sur ordre de », donc le meurtrier doit se trouver ici, dans la forteresse. Je refuse de croire qu’un criminel a le pouvoir surnaturel de traverser les murs.
Il fit une pause.
— Vous m’avez bien parlé de passages secrets, n’est-ce pas ?
— Dans les celliers, en effet ; c’est une vraie garenne ! Le château et la ville sont construits sur un éperon rocheux et on utilisait déjà les grottes et les passages bien avant la conquête romaine.
— Mais pourquoi ? lança Ranulf en s’avançant, indifférent aux coups d’oeil surpris que lui jetaient les gens de Branwood. Pourquoi assassiner un shérif et essayer d’en tuer un autre ? Ce
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