L'assassin de Sherwood

vêtues et coiffées de perruques rousses, échangeaient des plaisanteries avec deux soldats de la garnison.
    Corbett paya son dû au gamin en lui promettant d’autres piécettes s’il lui gardait son cheval. Puis il frappa à la porte de la sorcière avant de s’apercevoir que les fenêtres des étages étaient fermées et que la petite niche au-dessus de la porte luisait de crasse et regorgeait de mouches mortes. Il tambourina derechef, jurant à voix basse, car ses coups commençaient à attirer l’attention des clients du Cochon en Gloire.
    — Vous cherchez Hecate ? lui demanda d’une voix de fausset une fille aux dents trop écartées.
    Elle tenait sa perruque aux couleurs voyantes d’une main et de l’autre grattait son crâne chauve.
    Corbett lui fit face, en rejetant sa cape sur l’épaule pour montrer qu’il était armé.
    — Oui, je veux voir Hecate.
    Il lui lança une pièce qu’elle attrapa de sa main crasseuse.
    Certains des clients la bousculèrent.
    — Vous ne la trouverez pas ici ! cria quelqu’un.
    Corbett s’adossa à la porte. La foule commençait à avancer lentement vers lui. Même son jeune guide qui tenait la bride de sa monture paraissait effrayé. Le clerc dégaina son épée rapidement, regrettant que Ranulf ne fût pas à ses côtés.
    — Je m’appelle Sir Hugh Corbett ! lança-t-il. Émissaire spécial du roi.
    Il aperçut les soldats qui se faisaient tout petits à l’arrière de la populace.
    — Et vous, mes gaillards, vous appartenez à la garnison du château. Venez ici !
    Les autres reculèrent. Les deux gardes, l’air penaud, fendirent la foule et fixèrent Corbett sans grand enthousiasme.
    — Suis-je bien qui j’ai dit ?
    Les deux hommes inclinèrent la tête.
    — Alors vous êtes sous mes ordres. Prenez un banc dans cette taverne et enfoncez cette porte... Vous êtes sourds ?
    Il fit un pas en avant. Les deux soldats entrèrent en vitesse dans l’auberge et réapparurent, portant un banc grossièrement taillé. Le tavernier aux cheveux gras sortit pour protester. Mais Corbett le somma de se taire et dispersa les badauds en jetant une poignée de pièces sur les pavés boueux. Leur animosité à son égard fondit comme neige au soleil. Il s’écarta un peu. Le banc fit office de bélier et bientôt la porte céda avec force craquements et sauta de ses gonds de cuir.
    — N’entrez pas ! commanda le clerc.
    Il pénétra dans un couloir mal éclairé et humide. La première porte à droite donnait sur l’échoppe : l’odeur qui y régnait le prit à la gorge et ce qu’il y vit lui arracha un juron. Ce n’était guère qu’une pièce, apparemment bien rangée, où les étagères croulaient sous les pots de toute taille, les sachets et les boîtes fermées à clé. Mais Hecate s’occupait également d’empailler les animaux, extrayant les viscères et bourrant les dépouilles d’herbes médicinales pour les transformer en effigies momifiées. Un renard au pelage roux, par terre, levait sur lui des yeux vitreux. Un lapin, les oreilles couchées, était tapi, à jamais immobile. L’odeur pestilentielle provenait du cadavre d’un écureuil qui gisait sur la table. Ses entrailles sortaient par l’incision pratiquée dans son ventre et une nuée de grosses mouches noires bourdonnaient tout autour.
    Corbett quitta l’échoppe et revint dans le couloir. Il ouvrit la porte étroite d’une chambre et resta pantois devant le luxe qui se déployait sous ses yeux. On aurait dit la chambre d’une dame de la noblesse. D’épaisses tapisseries aux teintes variées pendaient aux murs chaulés et des chenets polis luisaient dans la petite cheminée sculptée. Le sol était recouvert de tapis en laine, des candélabres d’argent ornaient la table de bois sombre et un buffet entrebâillé renfermait de l’argenterie et des coupes de métal précieux. Les fenêtres étaient garnies de verre teinté et la pièce embaumait comme une prairie sous le soleil d’été. Corbett aperçut deux verres à fine tige sur la table, puis, sur un dernier regard, il se dirigea vers la cuisine exiguë, située à l’arrière de la maison. C’était là que l’odeur de putréfaction était la plus forte. Il se boucha le nez. La cuisine, d’une propreté immaculée, était parfaitement en ordre – son épouse Maeve n’aurait pu mieux faire – et pourtant il y régnait une puanteur abominable.
    — Seigneur Dieu ! souffla-t-il.
    Il ouvrit un buffet et ne put