L'assassin de Sherwood
suppliciés. Ceux-ci revinrent à eux et la séance de torture recommença. Les bourreaux reprirent leurs sinistres allées et venues, le bruit de leurs pas traînants parfois couvert par Naylor qui s’approchait des prisonniers, et, la bouche près de leurs tempes dégoulinantes de sueur, les pressait de questions.
— Arrêtez ! cria Corbett.
Naylor fit volte-face.
— Je vous ordonne de cesser ! répéta Corbett d’une voix tranchante, écoeuré par l’éclair de plaisir qu’il lut dans les yeux du gaillard.
— Je ne reçois mes instructions que du shérif !
— Vous ferez ce que je vous dirai de faire, par la male mort ! rugit Corbett. Je représente le roi dans cette affaire.
— Tu as entendu ce qu’on te dit, l’ami, ajouta Ranulf, doucereux, en dégainant son poignard. Soit tu t’exécutes, soit tu es passible de haute trahison.
Naylor s’apprêtait à riposter, mais Ranulf s’avança d’un pas. Le sergent se ravisa et lança un ordre : on détacha les prisonniers qui s’effondrèrent sur le sol comme des poupées de chiffons.
— Qu’ils soient enfermés au cachot ! commanda Corbett. L’un des moins sales de cette porcherie ! Et qu’on m’apporte une gourde de vin, deux gobelets et un seau d’eau froide !
Naylor répéta ses ordres avant de sortir en hâte.
— Tu vas voir ! murmura Corbett.
Ils n’eurent guère à attendre : des pas furieux résonnèrent dans le couloir et Branwood entra en coup de vent.
— Que faites-vous, Sir Hugh ? Ces hommes doivent subir la question et être pendus après avoir reçu l’absolution des mains de frère Thomas !
— Sir Peter, fit remarquer Corbett avec tact, vous êtes le shérif adjoint de la Couronne, mais moi j’en suis l’émissaire. Il y a plus d’une façon de prendre le lièvre au collet. Naylor a essayé la sienne et s’il continue, ces malheureux vont bientôt mourir. Moi, je vais les renvoyer au cachot où je leur ferai subir un sévère interrogatoire. Quand j’en aurai fini avec eux, s’ils débitent encore des mensonges, vous pourrez les pendre haut et court. Peu m’importe ! Mais s’ils disent la vérité, je les relâcherai.
Branwood se détendit.
— Comme vous voulez ! murmura-t-il.
Corbett revint dans la cour respirer un peu d’air frais. Il remarqua l’agitation de Ranulf :
— Quelle mouche te pique, mon garçon ? Ta bien-aimée te manque-t-elle à ce point-là ?
Ranulf, yeux baissés, se dandina d’un pied sur l’autre :
— Il veut vous rencontrer.
— Qui ?
— Rahere, le maître devin.
— Ranulf, que lui as-tu promis ?
— Rien, Messire. C’est simplement que...
— Qu’il aimerait assister à la cérémonie de présentation de la Couronne qui aura lieu à Noël ?
— Oui.
Corbett se détourna :
— Pour l’amour du Ciel, Ranulf ! Nous avons d’autres chats à fouetter. Dis-lui que je le verrai bientôt. Pour partager un pichet de bon vin. Mais en attendant...
Ranulf savait quand prendre la poudre d’escampette. Aussi son maître avait-il à peine fini de parler que le jeune homme se précipitait dans sa chambre pour s’oindre le visage d’huiles odoriférantes et rechercher un flacon de parfum qu’il avait acheté à une courtisane réputée de Londres avec l’intention de le revendre.
— C’est un mélange de lait d’ânesse, de balsamine et d’un parfum rare, avait prétendu la catin. Je l’ai eu d’une Égyptienne qui m’a juré que Cléopâtre elle-même s’en enduisait le corps.
Ranulf fouilla dans son capharnaüm jusqu’à ce qu’il le trouve, surexcité à la pensée de voir la belle Amisia en mettre quelques gouttes entre ses seins fermes et généreux.
Tandis que Ranulf se pomponnait, Corbett redescendait aux cachots. Naylor, la mine hostile, le conduisit à la cellule où les deux prisonniers, pieds et poings liés, restaient prostrés côte à côte sur une paillasse crasseuse recouverte d’une couverture élimée. Corbett se fit apporter un tabouret et ordonna à Naylor de les laisser seuls. Il poussa le seau d’eau près des malheureux. Ils avaient recouvré leurs esprits, mais souffraient atrocement et gémissaient à chaque mouvement. Corbett les aspergea d’un peu d’eau. Puis il remplit de vin deux gobelets d’étain et les mit de force dans leurs mains contusionnées et avides.
— Buvez ! Cela endormira la douleur !
Ils vidèrent leurs gobelets. Corbett leur reversa du vin.
— Vous allez
Weitere Kostenlose Bücher