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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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gribouillis sur un buvard marron.
    « C’est votre véritable nom ou un nom d’emprunt ?
    — Véritable, répondit Bob avec un sourire
ravi à la vue de son patronyme transcrit dans l’écriture élégante de Craig. Très
bientôt, l’Amérique entière connaîtra Bob Ford. »
    Bob révéla au
commissaire que Dick Liddil séjournait à la ferme de Harbison en attendant que
sa jambe estropiée guérît et dessina un plan grossier de la propriété sur
lequel ne figurait pas le lit de la rivière où les restes de Wood Hite se
décomposaient, mais qui incluait Richmond, ainsi que les routes et les voies de
chemin de fer avoisinantes.
    Cet après-midi-là, le commissaire Craig réunit
une unité spéciale de la police de Kansas City, un groupe de douze hommes qui, outre
lui et le shérif Timberlake, comptait le sergent Ditsch, deux inspecteurs, un
constable, et six policiers municipaux. Ils furent tous convoqués à neuf heures
le soir même au commissariat central, où ils reçurent leurs instructions, du
café et où on leur distribua des revolvers, des fusils, ainsi que des vêtements
chauds, puis à minuit passé, le 6 janvier, ils montèrent à bord d’un train
spécialement affrété qui ne comportait qu’une locomotive et deux voitures
fumeurs noires. La locomotive accéléra pour atteindre une vitesse de croisière
de quatre-vingts kilomètres-heure, jusqu’à la jonction de Lexington où le
convoi fut aiguillé sur une voie qui conduisit les policiers par-delà Richmond,
jusqu’à un carrefour proche de la ferme de Harbison. Détail qui devait avoir
son importance, ils n’avaient pas pris de chevaux – Craig ne voulait pas faire
de bruit.
    Le redoux de janvier n’avait duré que deux
jours ; dès la fin d’après-midi, le 5 janvier, un lacis de nuages avait
voilé le soleil ; au soir, il s’était mis à pleuvoir et le temps que les
douze hommes parviennent jusqu’aux bois, les gouttes de pluie s’étaient muées
en flocons mouillés qui faisaient trembler les branches des arbres et glaçaient
la neige, tel le sel sur des croustilles. Les policiers contournèrent une
bâtisse blanche délabrée dont certains carreaux avaient été remplacés par du
papier huilé, dont le toit s’affaissait et dont un orme chatouillait les
bardeaux. Quelques-uns des hommes oscillèrent un moment au bord d’un ravin au
fond duquel ils eussent pu tomber sur le cadavre orange et pétrifié de Robert
Woodson Hite, mais la conjonction n’eut pas lieu ; au lieu de poursuivre
dans cette direction, ils firent le tour des parcs à bétail et effectuèrent une
reconnaissance de la grange brune penchée avant de regagner ventre à terre le
couvert des arbres fruitiers où le shérif Timberlake et le commissaire Craig
délibéraient avec gravité.
    Il était trois heures du matin, tout alentour
était bleu ou noir, les flocons leur tailladaient les joues comme les griffes d’un
chat. Il était impossible de savoir si quiconque était éveillé à l’intérieur de
la maison, si des fusils n’étaient pas derrière les fenêtres, si l’entrevue
avec Ford n’était pas qu’un grotesque coup de bluff destiné à les attirer dans
une embuscade préludant à une contre-attaque des hors-la-loi. Mais ce fut l’éventualité,
la possibilité, la chance que Jesse fut là qui décida le commissaire Craig et
le shérif Timberlake à user de prudence et de précaution et d’attendre dans le
froid jusqu’au lever du soleil.
    Ils patientèrent donc au milieu des arbres, sans
parler, ni fumer, ni battre de la semelle par terre pour se réchauffer. Le
froid les faisait larmoyer, soudait leurs mitaines au fût de leurs fusils, transformait
leurs pieds en fers à repasser. Craig consultait sa montre de gousset, la
refermait, la ressortait quelques minutes plus tard. Enfin, la nuit s’éclaircit,
les nuages blêmirent et le contraste entre le brun ou le noir des habits des
policiers et le gris de la neige s’accentua. Craig aperçut du rose au-dessus
des bois, un peu plus d’un kilomètre à l’est, et adressa un regard significatif
au shérif Timberlake.
    Le shérif émit un sifflement concis et, de la
main, signifia aux adjoints de faire un mouvement vers la ferme. Les douze
hommes s’avancèrent à pas de loup. Craig suça son index pour le dégeler, puis
le nicha à l’intérieur du pontet de son fusil. Timberlake fit signe aux
policiers d’encercler la maison et remarqua au premier étage un jeune homme

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