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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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et
adressa un sourire révérencieux à Zee en entrant dans la cuisine, où il s’appuya
un instant au plan de travail. Il versa un broc d’eau dans une cuvette, puis
plongea les mains dans le liquide en écoutant Jesse bavarder avec ses enfants
et les chaises que l’on tirait, puis que l’on repoussait sous la table. Jesse
commença à prononcer le bénédicité sans attendre Bob, tandis que ce dernier
portait à son nez le bloc de savon jaune et en reniflait les ingrédients – eau
de pluie, cristaux de soude, chaux vive, suif, colophane, sel.
    Le 2 avril était le
dimanche des Rameaux. Mr et Mrs Thomas Howard, leurs deux enfants et
leur cousin Charles Johnson se rendirent sous le soleil printanier à la Seconde
Église presbytérienne afin d’assister à l’office de dix heures. Bob resta à la
maison sous prétexte qu’il avait eu son content de religion à l’époque où son
père était le pasteur de l’église en planches de Jasper. Ils partirent donc
sans Bob, qui vagabonda en douce d’une pièce à l’autre en chaussettes blanches,
un revolver étincelant le long de la cuisse, une tasse de café à la bouche. Il
pénétra dans la chambre principale en mâchant une tranche de pain grillé froide,
posa la tasse et la soucoupe sur le chiffonnier, puis explora chacun des six
larges tiroirs. Une montre de gousset en or dix-huit carats fabriquée par
Charles J. E. Jaeat et volée à John A. Burbank lors de l’attaque de la
diligence de Hot Springs en 1874 était accrochée à une patère surmontée d’un
miroir. Bob la fit sonner, prêta l’oreille à son tic-tac, la jeta timidement en
l’air, la rattrapa fébrilement. Il inventoria les vêtements suspendus aux
cintres et aux portemanteaux dans la penderie ; il enfila une veste en
laine peignée et en examina la coupe dans une glace. Il lissa de la main les
draps froissés du lit, but une gorgée d’eau dans le verre posé sur la coiffeuse,
huma l’odeur de talc et de lilas dont était imprégnée une taie d’oreiller
parsemée de petits cheveux coupés. Il s’allongea sur le matelas et localisa
chaque lampe à pétrole de la pièce d’après les traces de fumée au plafond. Il
roula vers la gauche comme Jesse devait le faire le soir afin de s’unir à son
épouse. Il résista à la tentation. Ses doigts coururent sur ses côtes jusqu’aux
deux endroits où Jesse avait été blessé afin d’y figurer les cicatrices. Il se
façonna un majeur auquel il manquait les deux dernières phalanges. Il s’imagina
à trente-quatre ans ; il s’imagina dans un cercueil. La lumière matinale
filtrait par la fenêtre et les rideaux pâles agités par la brise de printemps
se mouvaient tels des fantômes. Bob leva son pistolet et le pointa sur la porte,
le miroir, la fenêtre, sur une image tirée d’une étiquette de fruits en
conserve, sur une chemise de nuit pendue à un clou. Il regagna le séjour. Il
passa en revue ses options et toutes les choses merveilleuses qui pouvaient lui
arriver. Il se souvint de sa tasse et de sa soucoupe à café, les récupéra sur
le chiffonnier, essuya avec sa manche la marque circulaire qu’ils y avaient
laissée et, lorsque les fidèles revinrent de l’église, munis chacun d’un rameau
vert, il était assis à la table de la salle à manger et huilait son revolver.
    Ce midi-là, ils
pique-niquèrent. Jesse, Charley et Tim firent des ricochets sur le fleuve et
firent cercle autour des os blanchis d’un mouton qui dansaient dans une mare
peu profonde. Ils avaient sommairement retroussé au-dessus du coude les manches
de leurs chemises blanches, exposant leurs mains, leurs poignets tannés pareils
à ceux de paysans et le dégradé de brun de plus en plus pâle de leurs
avant-bras. Un chien sauta dans le fleuve, puis s’en extirpa en claquant des
mâchoires dans l’eau comme si c’eût été de la viande. Bob, affalé sur un coude,
échangeait des propos badins avec Zee, qui nappait de la purée de pommes de
terre froide de marinade de maïs. Il mâchouillait un brin d’herbe et observait
d’un air détaché Jesse qui balançait sa fille tantôt hurlante tantôt hilare
au-dessus de l’eau.
    « Comment se fait-il que vous l’ayez
épousé ? » demanda-t-il enfin.
    Zee changea de position afin d’extraire du
panier des saladiers couverts de torchons. Sa robe en vichy bouffa, puis
retomba. Sa grossesse n’était pas encore apparente.
    « Oh, il était si fringant, si romantique,
si réprouvé de tous

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