L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
y
avaient ajouté foi. L’émoi qui régnait à St Joseph et à Kansas City était
inévitablement comparé à celui suscité neuf mois plus tôt quand Charles J. Guiteau
avait tiré sur le président James A. Garfield.
Dans l’après-midi du 4, Zee consentit à
accorder à un journaliste une entrevue dans laquelle elle prétendit avoir
trente-cinq ans au lieu de trente-sept et biaisa à propos de son regretté mari.
Elle divulgua que Jesse n’avait guère d’instruction et que son orthographe
laissait à désirer, mais qu’il lisait sans cesse, que les mots coulaient de lui
comme de l’eau quand il composait une lettre et qu’il ne faisait jamais de
rature. Elle raconta qu’il était d’un naturel doux, calme et aimant, qu’il ne
fumait pas, ne buvait pas et jouait toujours avec les enfants. Elle évoqua son
esprit pratique et son discernement concernant les questions financières, avant
de reprendre à son compte l’argument familier selon lequel c’étaient les
hasards de l’histoire et de la géographie qui avaient poussé Jesse à commettre
les rares crimes dont il était véritablement coupable. Elle assura, sans
rencontrer d’objection ou de contredit, que son époux et elle avaient, à
diverses périodes, eut la satisfaction d’exploiter trois fermes différentes, mais
que les pouvoirs publics avaient systématiquement comploté afin de les en
chasser et de confisquer leurs terres. Le reporter souligna qu’on estimait à un
quart de million de dollars le butin total récolté par la bande des frères
James en quinze ans, ce à quoi Zee répliqua qu’elle ignorait où était passé cet
argent, car ils avaient toujours été pauvres.
Dans un entretien qu’il donna depuis le
pénitencier de Stillwater, Cole Younger tempéra avec magnanimité son antipathie
pour Jesse et se borna à relater des épisodes de la guerre de Sécession et à
décrire physiquement le hors-la-loi. Une jeune fille qui s’était une fois
livrée à une bataille de boule de neige avec celui qu’elle connaissait sous le
nom de Thomas Howard jura qu’elle n’avait « jamais rencontré de si parfait
gentleman. Chaque fois que j’allais chez lui, il me saluait d’une révérence, me
proposait une chaise de manière très digne et me faisait la conversation avec
un savoir-vivre impeccable. On l’a accusé de beaucoup de choses, mais je n’en
crois pas la moitié ».
Si, ce mardi-là, de nombreux éditoriaux
applaudirent à cette exécution parce qu’elle était sordide, expéditive et qu’elle
avait réussi, les correspondants des journaux semblaient diverger, car les
témoignages dont ils se faisaient l’écho n’émanaient que de personnes
compatissantes envers la victime ou doutant que Jesse eût bel et bien perpétré
tous les méfaits que lui imputaient les autorités. Par suite, l’hostilité à l’égard
des Ford grandissait. Le bruit courait que des loyalistes de Cracker Neck
avaient le projet de voler la dépouille de Jesse afin de la préserver comme une
relique, que Bob serait lynché le jour où l’on enterrerait Jesse, que Frank
James était en ville avec la ferme intention de venger son frère (il ressortit
cependant que le « mystérieux étranger » ayant inspiré cette rumeur
était un barman allemand surnommé Dutch Charlie – Charlie le Hollandais). Dès
cet après-midi-là, les Ford avaient reçu au moins deux lettres de menaces, dont
l’une, écrite d’une main grossière, portait le sceau officiel de la chambre des
représentants du Tennessee ; les termes exacts en étaient : « À
l’intention des Frères Ford vous avez Tué Jessie James mais pas son Pote Jessie
James sera Venger je vous tuerai tous les deux même si je dois vous poursuivre
jusqu’au bout du monde vous n’échapperez pas à ma Vengeance. »
Un journaliste demanda aux Ford s’ils étaient
intimidés par cette menace et une fois de plus, ce fut Charley qui répondit :
« Non, nous n’avons peur de personne. Que
ce bonhomme du Tennessee nous révèle son nom et nous l’affronterons à armes
égales.
— Qu’on me file mes flingues, qu’on me
dise qui c’est et je suis prêt à me mesurer à lui où il veut aux États-Unis »,
renchérit Bob.
Manifestement impressionné par le courage des
deux jeunes gens, le reporter concluait son article : « Si jamais le
pire survient, ils vendront leur vie aussi chèrement que possible. »
Le 4 toujours, le gouverneur Crittenden fit le
déplacement de
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