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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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et qu’il s’éclipsât dehors avant de donner libre cours à
ses infirmités.
    Ils répétèrent la pièce pendant deux semaines,
puis la rodèrent aux côtés de numéros de music-hall et de cirque dans des
stations balnéaires, telles qu’Atlantic City, Jersey City ou Océan Beach avant
de la présenter dans un splendide théâtre au coin de la Neuvième et de Broadway,
à Manhattan. Bob était mis comme un prince européen ; il s’était fait
recouper les cheveux, se les était fait onduler au fer et arborait une fine
moustache postiche de dignitaire, ses costumes avaient été confectionnés sur
mesure en Angleterre dans des tons de gris et de vert, les talons et les
semelles disproportionnés de ses bottes le grandissaient de dix centimètres. Charley,
lui, avait simplement droit à un complet à redingote et à une cravate rayée, à
une barbe et à une moustache postiches brun clair semblables à celles de Jesse,
ainsi qu’à l’assistance vigilante d’un souffleur durant toute la représentation,
du fait de sa mémoire déficiente.
    Des filles aguichantes dansèrent le french
cancan, des cow-boys chantèrent des hymnes et des ballades de duellistes autour
d’un feu de camp en carton aux couleurs criardes, une jument appaloosa
accomplit des prouesses arithmétiques en tapant du sabot par terre, un wagon de
voyageurs fut dévalisé par une bande de féroces bandits sur fond d’airs d’opéra
gasconnants, puis enfin, les Ford firent leur entrée au milieu d’un décor
similaire au séjour du pavillon de Confusion Hill : côté cour, un lit en
chêne et un fauteuil sur lequel était jeté un châle rouge ; au centre, une
table ronde, des chaises et, à l’arrière-plan, un mur en toile percé de deux
fenêtres ouvrées et d’une large porte ; côté jardin, une chaise en osier
et deux cadres, le premier renfermant un avis de recherche fallacieux orné d’un
portrait à l’eau-forte de Jesse sous-titré « mort ou vif », le second,
un tableau minable, réalisé sur commande, qui dépeignait Jules César se faisant
poignarder par les conspirateurs.
    Le début de Comment j’ai tué Jesse James montrait Charley déguisé en Jesse James s’avançant sur le plateau à pas lourds
et secouant impérieusement la main de Bob, tandis que sa bouche semblait former
des mots implorants.
    « Quand Jesse James est venu me voir à l’épicerie,
commença Bob en se tournant vers le public, il m’a appris que mon frère Charley
était avec lui et qu’ils avaient l’intention d’attaquer la banque de Platte
City. Mais pour ça, il fallait être trois et ils avaient besoin de mon aide. »
    Charley s’assit à table comme un bourgeois
bourru et déploya un journal. Bob prit place sur la chaise en osier sous les
deux cadres et astiqua son revolver argenté. Charley lui jeta un regard mauvais
et Bob confia aux spectateurs :
    « Une fois chez lui, dans les faubourgs
de St Joseph, il s’est fait méfiant et ne m’a plus quitté des yeux une
seconde. Il m’obligeait à dormir dans la même pièce que lui et il m’épiait même
quand j’allais à l’écurie. »
    Bob posa son pistolet et ramassa quelques
journaux rangés sous la chaise, puis s’approcha avec désinvolture de la table.
« Tous les matins, avant le petit-déjeuner, il m’emmenait en ville pour
aller chercher la presse, qu’il lisait tous les jours. Il achetait les quotidiens
de St Joseph et St Louis, et moi ceux de Kansas City, histoire de me
tenir au courant, puis quand on avait chacun terminé, on échangeait. »
    Bob s’installa à califourchon sur une chaise
en face de son frère et ils troquèrent leurs quotidiens. Bob survola une page, la
tourna, puis, sans lever les yeux, reprit :
    « On m’avait recommandé, si possible, de
lui cacher les journaux, parce que certains journalistes flairaient que quelque
chose se préparait et qu’en cas de fuite, la nouvelle que Dick Liddil s’était
rendu, jusqu’alors demeurée secrète, risquait d’être publiée. »
    Soudain, à la stupeur d’une partie du public, Charley
frappa des deux poings sur la table et se leva brusquement, tandis que Bob
faisait ressortir son étonnement. Charley se mit à aller et venir, à se
démonter la mâchoire et à agiter un doigt en direction de son frère, surjouant
la colère, cependant que Bob haussait les épaules et protestait de son
innocence, conformément aux conventions théâtrales.
    « Peu après mon arrivée à

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