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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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et
cogiter aux sources chaudes.
    Alors qu’il se promenait dans Bridge Street un
soir, il vit un homme voûté coller sur la vitrine d’un saloon un écriteau
annonçant que l’établissement était en vente, car le propriétaire repartait
pour l’Est. Bob passa la soirée juché sur un tabouret, à comptabiliser les
ventes, à réfléchir aux changements qu’il apporterait, et le matin négocia le
rachat de l’ensemble de l’inventaire et du bail annuel avant de verser un
acompte de cinquante dollars. Puis il envoya un télégramme à Dick Liddil, à
Richmond, et quand Dick sauta du train, un mois plus tard, Bob l’attendait à la
gare, tout guilleret, pimpant et avenant, vêtu d’une chemise blanche impeccable
et d’un gilet gris boutonné, les jambes cachées par un long tablier blanc que déformait
son pistolet. « Dis bonjour à la prospérité », lança-t-il à Dick avec
un sourire avant de lui passer un bras autour des épaules comme Jesse eût pu le
faire et de l’entraîner, pour une petite excursion, à travers le marché
mexicain aux légumes et aux volailles, puis sur la place de la vieille ville
avec son belvédère et ses jardins, jusqu’à une rue en terre orange.
    Le saloon de Bob était avantageusement situé, le
long du principal axe est-ouest de Las Vegas, qui enjambait la Gallinas River, et
il eût pu attirer aussi bien les commerçants du comté de San Miguel que ceux
qui se rendaient à Santa Fe, une soixantaine de kilomètres plus à l’Ouest, si
des rumeurs ne s’étaient pas mises à circuler sur le compte des tenanciers – le Daily Optic ne manqua pas de rappeler leur peu glorieux parcours à ses
lecteurs – et si quelques bergers et autres mineurs s’y fourvoyaient
quelquefois pour béer devant les renégats de la bande des frères James, à l’instigation
de Scott Moore (l’ami d’enfance de Jesse), une vaste cohorte de clients
potentiels, révoltée par l’assassinat, boycotta les lieux.
    Bob paya des gosses pour distribuer des
prospectus à toutes les personnes qui traversaient le pont et tâcha même de
persuader en personne les passants de venir se délasser à l’intérieur. Il
commanda à Albuquerque un piano droit, entreprit de servir des œufs durs, des
pickles sucrés et des fritons de porc badigeonnés de sauce au piment rouge avec
chaque consommation ; il convainquit le fils du gouverneur, Miguel Antonio
Otero – qui avait à peu près le même âge que lui et avait grandi dans le
Missouri – d’organiser une fête, un samedi soir, dans son établissement. Il
publia même des petites annonces dans les journaux du Colorado dans le but d’embaucher
des chanteuses et des danseuses ; et pourtant on persistait à bouder son
saloon, on déchirait ses affiches et les honnêtes gens changeaient de trottoir
pour rejoindre la place.
    Bob engloutissait en dépenses hebdomadaires le
capital qu’il avait accumulé en cinq ans et voyait se rapprocher la faillite
chaque fois qu’il réglait un fournisseur, aussi quand Dick l’informa que Lynch
lui avait proposé de monter St John ainsi que d’autres chevaux de course
sur les circuits de l’Est et du Sud, Bob jeta l’éponge et, sans rancune, aida à
embarquer les animaux à bord d’un wagon de marchandises à Santa Fe et à charger
l’inventaire dans un chariot Studebaker. Dick s’en fut vers l’Est et renoua
avec la chance ; Bob s’en fut plus au nord, à Walsenburg, Colorado, où il
fonda un autre saloon impopulaire dans lequel il ne parvint à appâter qu’un
maigre nombre de clients en se vendant tel un phénomène de foire – « l’homme
qui a tué Jesse James ». Il reprit la route et se dirigea vers Pueblo, soixante-dix
kilomètres plus au nord, où il acquit la renommée d’être un joueur rusé et
réussit à amasser les fonds nécessaires à l’ouverture d’un « saloon à
hôtesses » dans un quartier de la ville appelé la Mesa. Il investit toutes
ses économies dans des tables et du matériel de jeu, qu’il se fit expédier de
Denver et consacra de nombreuses heures, dans la campagne environnante ou à la
gare, à s’entretenir avec toutes les jeunes filles de seize à vingt et un ans
qui avaient l’air pauvres, mal traitées ou en fugue afin d’échapper à un
mariage arrangé par correspondance ou à un travail dans les champs de cantaloup.
Il leur promit une chambre de quatre mètres sur huit, trois repas par jour, des
robes blanches et propres si courtes qu’elles

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