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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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prend par surprise. »
    Il s’était débarrassé de son manteau trop
grand et de son tuyau de poêle et ne portait plus qu’un pantalon vert à rayures
claires et une chemise jaunie sans col qui manifestement le grattait. Il avait
des airs d’Européen – de Français surtout, malgré ses yeux bleus – et, loin d’être
aussi fluet qu’il le paraissait de prime abord, il était doué d’une musculature
compacte dont chaque tendon se dessinait aussi nettement sur l’os que des
lacets sur une chaussure. Jesse sentit l’odeur du Zylo, la pommade parfumée au baumier,
conçue par Mrs S. A. Allen (qui était aussi son cosmétique de
prédilection), dans les cheveux brun roux du jeune homme. Tous deux faisaient
exactement la même taille.
    « Quel âge tu as, mon garçon ?
    — Vingt ans », annonça Bob, avant de
se corriger. « Enfin, je n’en aurai vraiment vingt qu’en janvier. »
Il se gratta la manche avec une expression contrite. « J’ai dix-neuf ans.
    — Mais tu as l’impression d’être plus
vieux que ça, pas vrai ? »
    Bob convint que oui. Un pigeon remua dans les
chevrons et pencha la tête pour observer un humain qui faisait voltiger en l’air
des objets en bois.
    « Tu t’es amusé ce soir ? s’informa
Jesse.
    — J’étais trop tendu pour ça ! »
    Jesse sembla juger la remarque sensée et
quelque chose dans la façon de parler du jeune homme l’incita à lui demander s’il
aimait le thé. Bob répondit que oui (alors qu’en fait, non) et Jesse l’invita à
se joindre à lui sans prendre congé des autres. Ceux-ci s’étaient entre-temps
regroupés autour d’un gâteau aux clous de girofle que Clarence Hite avait chapardé
dans le train et sur lequel des boules de gomme épelaient le mot « Papy ».
Les deux jeunes gens avaient pris place sur le sol autour de Frank, et Clarence
récapitulait les diverses disputes et épisodes cocasses de la nuit, mettant l’accent
sur sa bravoure, affabulant si mal et de si ennuyeuse manière que Frank et
Charley en étaient réduits, pour se distraire, à s’empiffrer de gâteau, dont
Frank se servait d’énormes portions qu’il n’ingurgitait qu’après les avoir
tassées avec soin au creux de sa paume jusqu’à obtention d’une boule compacte.
    Charley écouta Hite avec une impatience
teintée d’irascibilité, une joue déformée par un sourire comme par une boule de
réglisse, l’œil vitreux. Il s’anima toutefois quand son oreille décela enfin un
silence et se lança dans de longues et fastidieuses histoires au sujet des Ford.
Il évoqua leur enfance dans le comté de Fairfax, Virginie, dans des chambres à
louer de la propriété de George Washington à Mount Vernon ; les bateaux en
papier qu’ils faisaient voguer sur le Potomac, les pique-niques de fruits de
mer au bord de l’Atlantique et les fois où ils avaient joué au docteur avec les
arrière-petites-filles du défunt président pendant que des invités de pays
étrangers se promenaient dans le parc. Il évoqua ses années d’école à l’institut
Moore, aux environs d’Excelsior Springs, et la taverne de Seybold, leur oncle, dont
les chambres avaient plus d’une fois accueilli les Younger et leur coterie
tapageuse et effrayante, à la grande fierté du tenancier et de ses neveux, Bob
et Charley Ford, qui les considéraient avec révérence.
    Il raconta que Bob avait un jour abattu d’une
balle une vache laitière qui lui avait donné un coup de patte dans le tibia, que
quand ils étaient gosses, ils pourchassaient les chats avec des couperets et
leur coupaient les oreilles et la queue, qu’une fois, dix autres gamins s’étaient
ligués contre Bob et l’avaient presque étranglé en lui faisant une prise de
lutte parce qu’il n’arrêtait pas de les persécuter, que Bob et lui avaient été
voleurs de chevaux quand ils étaient au collège et avaient dérobé des poulains
et des pouliches pour le compte de Henry Born, dit le Hollandais, le plus grand
voleur de chevaux des États-Unis, qui avaient été arrêté à Trinidad, Colorado, par
le shérif Bat Masterson en personne.
    Frank James prêta une oreille curieuse, mais
guère fascinée aux réminiscences de Charley.
    « On dirait peut-être que j’invente, mais
c’est la stricte vérité, du début à la fin, assura Charley.
    — C’est un drôle d’État, le Colorado, acquiesça
Clarence. Un jour, là-bas, j’ai vu un chat manger des pickles. »
    Frank et Charley le

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