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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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s’enquit Ed.
    — Tu me laisses entrer, ou je dois te
causer à travers cette porte ? »
    Miller souleva le loquet et Jesse tira la
porte, puis entra en frôlant son acolyte sans voix.
    La pièce était sordide : sur une table de
cuisine s’empilaient de la vaisselle sale, dans laquelle de la viande et des
couennes séchées se couvraient d’une suédine verdâtre de moisissure ; des
journaux étaient gerbés comme du maïs au pied du sofa, une chaise était
renversée, une chemise rapiécée suspendue à un coin de la porte d’un placard ;
un chat juché sur le plan de travail de la cuisine léchait quelque chose dans l’évier.
    « Toi, tu n’es pas un homme d’intérieur, commenta
Jesse.
    — Tu ne faisais pas que passer dans le
coin, insista Miller.
    — Pourquoi tu dis ça ? »
    Jesse jeta un coup d’œil au revolver et Miller
le posa sur la table malpropre.
    « Clell était si peu soigneux de sa
personne qu’il suffisait de lui frotter le cou pour que ça fasse des serpentins
de crasse », se remémora Jesse. Il s’assit sur un tapis annelé et désigna
du menton le sofa fatigué. « Vas-y, ne reste pas sur tes jambes. »
    Miller obtempéra et regarda par la fenêtre en
tortillant ses cheveux sales entre ses doigts. Ses habits étaient aussi
froissés qu’une feuille de papier chiffonnée, ses ongles ourlés de noir et l’un
des coins de sa bouche brunâtre de jus de chique ou de viande.
    « Tu devrais te dégotter une femme »,
suggéra Jesse.
    Miller le fusilla brièvement du regard, puis
haussa les épaules.
    « Je voulais demander à Martha – la sœur
de Charley… Je voulais lui demander si elle s’y voyait, mais Wood aussi a une
idée derrière la tête et Dick Liddil joue toujours les trouble-fêtes. J’y ai
déjà cogité. »
    Il extirpa quelque chose de sa chevelure et s’essuya
les doigts sur un coussin. Il semblait incapable de regarder Jesse en face ;
son pied droit martelait le plancher.
    « Tu as terminé tes récoltes ?
    — Je n’avais pas grand-chose, répliqua
Miller. Juste le potager et les prés. J’étais malade au moment des semailles.
    — Et ça va mieux, maintenant ? »
    Miller adressa un regard fugace à Jesse.
    « Pourquoi ?
    — Tu te comportes bizarrement.
    — Les choses ne sont pas franchement au
mieux entre toi et moi, ces derniers temps. Ce n’est pas ta faute, comprends
bien. Mais il y a des rumeurs…
    — Des rumeurs.
    — Les gens racontent des choses, expliqua
Miller.
    — Donne-moi un exemple. »
    Ed soupira.
    « Jim Cummins est passé. Et il m’a dit… tu
sais, ces gars qui se sont fait prendre après le coup de Blue Cut ? Jim
dit qu’il a eu vent – ne me demande pas comment – que tu avais l’intention de
les tuer.
    — Pourquoi je ferais ça ? »
    Miller lança un coup d’œil à la main gauche de
Jesse, celle avec laquelle il tirait, puis se tourna à nouveau vers la cour.
    « À tous les coups, c’est que des rumeurs.
    — Pour les faire taire ?
    — Des rumeurs, rien de plus.
    — Cummins t’a dit autre chose ?
    — Non, grosso modo, c’était tout.
    — Ça n’explique pas pourquoi toi tu as
peur. »
    Miller dévisagea Jesse avec des yeux humides, la
bave aux lèvres, la peau, grasse, luisante.
    « Parce que je suis dans la même position,
tu vois pas ? J’étais pétrifié, quand je t’ai vu arriver !
    — Je passais juste dans le coin, Ed.
    — Mais imagine que tu aies entendu des
ragots. Imagine que tu aies entendu dire que Jim Cummins était passé. Tu aurais
pu faire le rapprochement et croire qu’on avait l’intention de vous capturer, toi
ou Frank, pour empocher la récompense. C’est pas vrai, mais tu aurais pu le
penser. »
    Jesse se leva, abandonnant quelques pièces
tombées de sa poche sur le tapis, et secoua la jambe pour rajuster l’ourlet de
son pantalon par-dessus sa botte.
    « Je n’ai pas entendu le moindre ragot, ces
temps-ci. » Il scruta par la fenêtre le chemin et le ciel que le soleil
couchant teintait de rose. Il sourit à Miller. « Je suis content d’être
passé. »
    Miller s’efforça de retourner à Jesse son
sourire.
    « Moi aussi.
    — Je tiens à te rassurer.
    — J’ai encore six cents dollars de
planqués. Je n’ai pas besoin de la récompense du gouverneur.
    — Et c’est aussi une question de principe. »
    Miller se leva et agita une main au-dessus d’une
assiette pour faire peur aux mouches, qui festonnèrent l’air,

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