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L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford

Titel: L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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l’épuisement. Jesse
lui tordit encore davantage l’oreille et étouffa de sa paume le hurlement d’Albert.
Il se pencha, le cigare au coin de la bouche et examina la blessure.
    « Bigre, j’ai l’impression qu’elle est
sur le point de lâcher, mon petit. Encore un peu pour que ça vienne et je l’arrache
comme la page d’un bouquin. »
    Adossé contre la paroi de la grange, Dick, écœuré,
était à bout de nerfs.
    « Laisse le gosse tranquille, gémit-il.
    — Il ment.
    — Bon sang, il ne peut même pas parler !
    — Où est Jim ? questionna Jesse, avant
de répéter en chantonnant : Où est Jim ? Où est Jim ? Où est Jim ?
    — Arrête ça ! » s’exclama Dick.
    Il envoya voler le chapeau de Jesse de la main
et, aussitôt, se sentit idiot. Mais Jesse se redressa, se ravisa et se frotta
les mains sur son pantalon pendant qu’au-dessous de lui l’adolescent pleurait, incapable
d’articuler un mot. Il s’essuya les yeux et le nez, secoué de sanglots, reprit
son souffle, puis, d’une voix qui montait dans les aigus, s’emporta contre
Jesse :
    « Enfoiré ! Je ne sais pas où il est,
mais vous ne voulez pas me croire et vous ne m’avez même pas laissé une chance
de parler, vous m’avez appuyé tellement fort sur la bouche que je ne pouvais
pas respirer et j’ai l’oreille… j’ai l’oreille en feu ! Vous aimeriez que
je vous fasse la même chose, à vous ? Je ne sais jamais où est Jim ni
quand il reviendra, alors fichez-moi la paix et levez-vous, espèce de salaud ! »
Albert poussa un grognement et se cambra sous Jesse. « Levez-vous ! »
s’époumona-t-il et Jesse se mit debout.
    Le garçon roula par terre et Dick contourna la
grange jusqu’au chemin, les poings serrés dans les poches de son manteau en
peau de mouton, rouge jusqu’au cou de fureur et de dégoût. Quand Jesse le
rejoignit, il était déjà juché sur sa selle texane. Son visage était blanc
comme la lune, ses lèvres tremblaient et quand il ouvrit la bouche, ce fut en
lorgnant le bout de sa botte.
    « Je n’en peux plus, Jesse. Je suis… »
    Il soupira et renonça à exprimer sa pensée
pour suivre des yeux le chemin jusqu’à ce que celui-ci ne fût plus qu’une tête
d’épingle au loin. Le ciel, comme caillé, était couleur d’étain, les bois roses
et gris dans le crépuscule.
    « J’ai la cervelle tout embrouillée, lâcha
Dick. Je me sens sale pour des petits riens comme ça. »
    Il leva les yeux pour se rendre compte de la
réaction de Jesse et eut la surprise de le découvrir affaissé contre son cheval
bai, le nez enfoui dans le cou et la crinière de la bête, les lèvres crispées
en un rictus inversé, tel un homme pleurant en silence, une grimace de détresse
sur le visage.
    « Ça va, Jesse ? » s’inquiéta
Dick.
    Jesse se pressa contre la robe d’hiver de son
hongre et marmonna des mots que Dick ne discerna pas. Albert boita jusqu’à la
maison des Ford, une main sur l’oreille gauche, la manche de son pull en
travers du nez.
    « Peut-être que tu ferais mieux de
rentrer là où tu habites en ce moment et peut-être que moi, je revendrai ce
cheval et que j’irai traîner mes guêtres chez Martha Bolton, histoire de… tu
sais, m’excuser auprès des Ford, présenter les choses sous un jour plus
favorable, etc. »
    Jesse ne lui accorda que son dos et se passa
son foulard bleu sur les yeux.
    « Je dois devenir fou », bredouilla-t-il.
    Mrs Ford, Albert et Fanny étaient tous
derrière les hautes fenêtres du séjour, mais quand Jesse regarda dans leur
direction, les rideaux se refermèrent. Il cala sa botte gauche dans l’étrier en
tâtonnant, puis se hissa en selle avec un soupir de vieillard et s’éloigna sans
un mot.
    Quant à Woodson Hite
et aux suites de ce que Clarence appelait « l’accrochage de Wood avec le
négro », tout ce qu’il est besoin de savoir, c’est que Sarah l’accusa sous
serment de meurtre et que Wood fut arrêté par deux adjoints du shérif de
Russellville, le siège du comté, alors qu’il pêchait dans une rivière avec une
canne en bambou. Après le crime, il était devenu froid, suffisant, indifférent
et il parut si docile au marshal que celui-ci lui loua une chambre au premier
étage d’un hôtel au lieu de l’enfermer dans une prison surpeuplée. Un garde fut
posté à l’extérieur de la chambre avec un fusil, mais il semble que les Hite l’aient
soudoyé, car un après-midi, Wood descendit l’escalier,

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