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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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sortirai oncques de ce
castel. Allons, lâche ce madrier, je t’offre une petite flânerie au village de
Marcuays pour chauffer un peu les oreilles de ce damné curé !
    Il m’entraîna à sa suite jusqu’à l’écurie, où scellant
lui-même son cheval, puis mettant le pied à l’étrier, il se hissa en souriant
et me regarda faire de même. L’action le rebiscoulait et, en ces sortes de
prédicaments, il retrouvait tout soudain le suc de sa jeunesse et, gaillard en
diable, il éperonna les flancs de sa monture pour quitter Mespech au galop. Je
le suivis comme je pus, n’ayant ni sa maîtrise de l’animal ni l’habitude de
tant forcer le train de mon cheval.
    Dès que le champ qui s’étendait à l’ouest de l’étang fut
franchi et que nous empruntâmes le chemin qui descendait dans l’étroite vallée
qui séparait Mespech de Marcuays, le baron stoppa sa monture, la mit au pas, et
me fit signe de me mettre au botte à botte avec lui. J’étais fort impressionné
de me trouver seul en compagnie du baron en une mission dont j’ignorais tout,
mais que je devinais courte, et du tout ne parlais, sérieux et intimidé, me
mettant à la patience en une serviable et attentive attitude.
    — Ah, Miroul, me dit-il sur le ton de la confidence, je
suis bien aise de ta providentielle venue en notre domaine. Depuis quand nous
as-tu rejoints à présent ?
    — Plus d’une année, ce me semble, Moussu lou Baron.
    — Une année déjà ! Misère, comme ce temps qui file
est bien triste et sans cesse nous rapproche de notre département. Ne
pourrait-il nous laisser vivre un peu sans nous presser de la sorte à nous
gâcher le séjour !
    — Point ne trouve qu’il passe si vite, Moussu lou
Baron.
    Il me jeta un regard de côté.
    — À ton âge, sans doute. Mais il s’accélère ensuite,
comme tu verras.
    À l’ouïr ce jour-là, cette étrange théorie sur le temps me
parut bien douteuse, ne voyant point comment les lois de la nature pouvaient,
pour l’un forcer l’allure, sans que l’autre ne s’en mût plus vite, mais je
portai cela au compte de mon ignorance que je savais grande en tant de choses.
    — Au demeurant, à ton âge, journellement la sève
déborde et crache alentour, ajouta-t-il. As-tu trouvé céans où mettre ta courte
épée ?
    Je fus tant stupéfait d’une interrogation si directe que
j’en restai pétrifié et coi.
    — Eh bien, Miroul, ne t’ai point posé là une
question ? reprit le baron, brisant le silence où je m’étais réfugié.
    L’autorité du baron, et son naturel, étaient tels, qu’il
était de ces hommes à qui il est malaisé de mentir ou de déguiser la réalité,
et quand bien même je l’aurais souhaité, ce qui était le cas, je m’en sentis
incapable.
    — Si fait, Moussu lou Baron, dis-je d’une voix dont la
clarté avait faibli.
    — Ah, ah ! fit le baron. Laisse-moi deviner… La
Gavachette ?
    — Non, Moussu lou Baron, oncques n’ai touché la
Gavachette !
    — Pourtant, elle jette à tous des œillades et des
sourires à vous damner, cette petite Gavachette. Je tiens qu’elle ne doit point
être bien farouche à celui qui se penche sur ses féminins appâts.
    — Je vous jure, Moussu lou Baron, oncques n’ai touché
la Gavachette, qui est la fille de la Maligou, laquelle me déteste, me prenant
pour un émissaire du Diable, comme vous le savez.
    Le baron rit à gorge déployée tout en manœuvrant son cheval
pour contourner une vieille souche qui barrait le chemin.
    — Vramy ? La jeunesse est devenue bien pleutre de
craindre la mère lors que la fille est si mignonnette ! Il me semble que
si je pouvais remonter le cours de mon existence de trente petites années, je
visiterais tout de la Gavachette, extérieurs et intérieurs !
    Il rit derechef puis se tourna vers moi et me dévisagea de
son regard azuréen.
    — Mais adonc, qui te contente en mon castel,
Miroul ?
    J’eus la gorge nouée, et le sentiment de trahir un secret
que Margot n’aurait point livré de la sorte, quasiment sans combattre.
    — La Margot… dis-je à voix basse.
    — La Margot ? s’écria le baron en se redressant
sur sa selle. Fi donc, Miroul ! Voilà une belle et saine garce bien conçue
pour ces choses-là, en vérité ! J’aime à la regarder, cette paysanne,
quand elle s’en vient à Mespech ! Et comment donc n’y ai-je pas songé, car
si ce n’est la Gavachette, ce ne pouvait être que la Margot. Qui d’autre en
effet ? À part

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