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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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« Ma
damoiselle,
    Par mon serment, vous estes
celle
    Qui resjouit le cueur de
moy. »
     
    Quand j’en eus fini de cette chanson d’amour et reposé la
viole sur mes genoux, je vis que des larmes coulaient sur les joues de notre
petite Hélix, sans que son visage ne bougeât d’un trait, et que tout son corps
reposait immobile, telle une morte. Seule une faible respiration soulevait un
peu sa maigre poitrine, et j’acquis certitude que la musique l’avait endormie,
et par là soulagée de ses douleurs. Mais point ne bougions, Samson et moi,
comme terrorisés par le sommeil de cette pauvre garce, scène qui figurait la
fin, ou pire, une morbide répétition, laquelle nous faisait d’autant peur que
nous sachions devoir la vivre bientôt. Nous échangeâmes un regard, où la
détresse clairement se lisait, et ensemble nous levant de nos escabelles,
attentionnés à ne point faire plus de bruit qu’une souris trottant sur les
dalles, nous laissâmes à ses rêves la pauvre petite Hélix.
    J’eus, pendant cette époque, les deux pans de la vie chaque
jour en pâture, croquant la chair et l’amour en les bras de la belle Margot,
goûtant l’amer et la désolation près du lit de la petite Hélix. Et tel j’étais,
vramy, passant de l’un à l’autre, de la joie à la tristesse, de la force à la
faiblesse, de la naissance au trépas, et comme j’en parlais à Margot, elle me
dit :
    — C’est dans tes yeux déjà que tu es ainsi, Miroul.
L’un bleu, l’autre marron, et toujours dans les deux plateaux de la balance en
même temps.
    — Que veux-tu dire, Margot ?
    — Que de ta vie tu resteras triste et gai à la fois, ne
sachant toi-même ce qui domine en toi.
    Ceci me laissa coi et interdit, tant il est vrai que l’on ne
se connaît mie, et bien étonné l’on demeure quand quelqu’un prétend en savoir
plus et vous débite comme à la boucherie un long morceau de vous-même que
oncques vous n’aviez soupçonné.
     
    À quelque temps de là, lors que je rangeais du bois en la
cour de Mespech à l’attention de Faujanet, lequel avec son parler bref et rude
me l’avait quasi ordonné, je vis le baron et Sauveterre passer non loin, puis
s’arrêter un peu à la dispute, sans guère prêter plus attention à moi que si je
n’avais existé.
    — Nenni, Jean ! disait le baron, le fer doit être
porté quand il est rougeoyant, et ne point attendre que tout se soit dilué dans
le temps qui passe.
    — Mais pourquoi diantre y aller seul ? répliqua
Sauveterre d’une voix glacée.
    — Mais parce que d’escorte n’est point besoin pour
aller à Marcuays ! Le village est à moins d’une lieue de Mespech !
    — Un homme seul, même pour un trajet fort court, reste
un homme seul.
    — Et que craignez-vous donc ?
    — Mais enfin, Jean, s’écria Sauveterre, des maraudeurs,
gueux et réprouvés, à l’affût de mauvais coups, peuvent toujours s’encontrer.
Pourquoi s’aller gager ainsi votre vie ? Sommes-nous encore à la légion à
risquer notre peau sous la mitraille ennemie ?
    — Non, vous vous trompez, le pays est sûr asteure. Je
n’ai ouï dire depuis longtemps que des bandes traînaient en ces bois pour
rançonner le voyageur.
    — Ce n’est certes pas à son de trompettes que ces
misérables officient !
    — À son de trompettes ! s’esbouffa le baron.
    — Prenez au moins vos fils avec vous !
    — Interrompre mes fils en leur leçon d’escrime ?
Non, il ne saurait en être question, je n’y souscrirai point.
    — Et le pire, lâcha Sauveterre, c’est que bien vous
savez que j’ai raison ! Mais vous vous entêtez, tout à la bravade, comme
en vos vertes années où vous n’aimiez rien moins que le péril pour aller le
défier !
    — Tu m’ennuies, Sauveterre !
    Voltant alors sur lui-même, comme s’il cherchait ainsi à
briser la querelle, le baron m’aperçut et s’écria :
    — Tenez, Miroul que voilà paraît désoccupé ! Je
l’emmène avec moi. Êtes-vous donc satisfait, Jean, que je suive vos
conseils ?
    À la vérité, il ne me sembla pas que Sauveterre se trouvât
satisfait de me voir promu, moi jeune valet au bec enfariné, au rang de garde
du corps du baron, car il haussa les épaules, jeta un regard désespéré à son
compagnon, lança les bras au ciel, et sans répondre, nous tourna le dos et
s’éloigna en claudiquant.
    — Viens ici, Miroul, me lança le baron. Notre ami
Sauveterre est trop avisé, et à ce compte-là, je ne

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