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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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la Franchou, mais la Franchou est à moi, comme tu le sais,
Miroul ?
    — Oui-da, Moussu lou Baron.
    Et fort bien j’entendis ce que cette dernière parole
signifiait mais, au demeurant, le baron n’avait guère à se soucier sur le sujet
car jamais n’ai eu de pensée ni de vue sur la Franchou, qui, comme la petite
Hélix de mon maître, me paraissait aussi sacrée et intouchable qu’une reine en
son royaume.
    Le baron cessa de causer, et ce silence me pesa car il me
tournait et me retournait sans relâche, comme un damné de l’enfer sur les
broches du Diable, à propos de la confidence sur Margot que j’avais lâchée si
vite lors que rien ne m’y obligeait en vérité. Et j’eus la surprise de
m’entendre dire :
    — Peux-je vous parler à la franche marguerite, Moussu
lou Baron ?
    — Voyons cela, Miroul.
    — Un valet, en toute circonstance, à son maître doit
répondre, sans travestir ni déguiser en rien, et je me suis donné cette règle,
étant simple et honnête, depuis que vous avez eu l’infinie bénignité de ne
point me pendre et de me confier à vos deux fils, Pierre et Samson…
    — Va au fait, Miroul !
    — Vous m’avez demandé qui me contentait à Mespech et je
vous ai tout droitement répondu.
    — Comme tu te devais de le faire…
    — Mais ce que je vous ai confié tantôt, tous l’ignorent
au castel.
    Le baron arrêta son cheval, le fit volter de côté pour me
faire face et posa sur moi son bleu regard perçant.
    — Même mon fils ? dit-il en levant le sourcil.
    — Moussu Pierre ?
    — Oui, Moussu Pierre, il ne le sait point non
plus ?
    — Nul ne le sait, Moussu lou Baron, et pas plus votre
fils qu’un autre.
    — Adonc ?
    — Si vous le dites, tous le sauront.
    — Craindrais-tu l’ire de la Maligou s’apercevant que le
Diable en personne chevauche la Margot ? s’écria le baron en riant à
gueule fendre.
    — Que non pas, Moussu lou Baron, mais sa famille aussi
saura, son père pareillement, et la Margot jamais plus ne viendra à Mespech.
    — Ah, c’est là le point ! Tu crains de perdre ton
bien le plus précieux, mon jeune Miroul ?
    Puis, redevenant sérieux tout à plein, il dit d’une voix
grave où je ne sais quelles petites gausseries se glissaient cependant au fond
de ses paroles.
    — Si j’entends bien la requête, c’est là grande
question d’honneur pour ta Margot. L’honneur, pour les damoiselles, est la
première des vertus, et je me sentirais par trop vergogné de le lui ôter en
allant clabauder partout sur les amours du valet de mon fils. Personne, Miroul,
n’en saura jamais rien, je serai sur ce point aussi dissimulé que le
Saint-Esprit et aussi muet que le tombeau du Christ !
    — Grammerci, Moussu lou Baron, vous ne savez
l’émeuvement que me causa la pensée que tout pourrait être connu pour la
Margot !
    Jean de Siorac sourit à cela et remit son cheval en avant,
me faisant signe derechef de me mettre au botte à botte avec lui. Le maigre
ruisseau qui court au fond de l’étroite combe séparant Mespech de Marcuays fut
franchi et les chevaux, montrant moins d’allant, entamèrent la montée qui nous
menait au village.
    Malgré son serment, et parce qu’il me sembla un peu trop
solennel de lui à moi, j’étais à ce moment en grande doutance qu’il tînt parole
et se tînt coi sur ma relation avec Margot, mais je dois avouer qu’il n’en
laissa jamais rien échapper, ni en public, ni au bec à bec avec quiconque, et
nonobstant les années passées depuis lors, je lui sais toujours gré de cette
discrétion, qui n’est pas le lot habituel du maître au valet. Jean de Siorac,
en dépit de bien des défauts que j’ai narrés déjà, était un homme de cœur, et
bien me le prouva en ce prédicament.
    — Sais-tu, Miroul, reprit-il au bout d’un moment, que
mes garçons me causent grand souci, lequel me pèse souvent sans que je n’en
puisse mais.
    — Des soucis, Moussu lou Baron ?
    — C’est vaille que vaille que l’on fait de son mieux en
ce domaine, mais les qualités de mes enfants sont d’une étoffe si différente
qu’il me faut hardi courage à tenter de les appareiller.
    À cela, je ne répliquai rien, jugeant mon intervention
inutile, et j’attendis sagement que la suite se dévidât seule comme une pelote
tombée à terre.
    — De querelles, il n’y en eut oncques entre Pierre et
Samson, et je gage que c’est surtout à Samson, dont l’essence est toute de bénignité
et de

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