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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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rebours, que ces maladies sont
faites pour préparer la santé de l’adulte et qu’il est gravissime de ne point
les attraper petit, et que la conséquence de tout cela est le pâtiment qui
s’observe chez la petite Hélix.
    — Et de la curation, Moussu Pierre ?
    — Des saignées fréquentes pour purger le vieux sang qui
depuis longtemps ne devrait plus se trouver en son corps et corrompt ainsi tous
les organes, remontant maintenant à la tête, d’où les douleurs.
    — Et qu’en pense monsieur votre père ?
    Mon maître se tourna vers moi et je vis briller en ses yeux
une ire désespérée et violente. Il cria presque :
    — Que tout ceci n’est que charlatanismes, pédanteries
de sots et suffisance de médecins ignares ! Mon père pense que le mal est
dans la tête, et dans la tête seule, et que s’il pouvait la scier en deux il en
verrait bien vite la vraie cause !
    Il y eut un silence un peu oppressant, puis d’une voix plus
basse mais lourde d’angoisse mon maître ajouta :
    — Mon père pense qu’il s’agit d’un apostume.
    — Pardonnez mon ignorance, Moussu Pierre…
    — Un apostume est un abcès que l’on doit percer pour en
laisser s’écouler l’humeur malsaine.
    — Que l’on doit percer ? dis-je épouvanté.
    — Oui, Miroul, or cet apostume gonfle et s’enfle en
dedans du crâne qu’il faudrait donc perforer pour permettre au pus de s’en
échapper.
    — Mais le peut-on ?
    — Non, on ne le peut pas.
    Derechef nous fûmes cois tous les deux et murés en nos
pensées, mais je peux vous assurer, lecteur, que les seins de Margot m’avaient
abandonné en cet instant et que les images qui erraient maintenant en mon
cerveau n’avaient plus rien d’heureuses ni de plaisantes.
    — Mais alors, murmurai-je à la parfin et d’une voix
faible, n’y a-t-il donc point de curation ?
    — Que nenni, mon brave Miroul, il n’y a pas de
curation.
    À ces paroles, je vis mon maître essuyer furtivement une
larme qui dévalait sa joue, et ceci, je m’excuse par avance auprès du lecteur si
cette pensée lui paraît incongrue et même choquante en un tel prédicament,
ceci – disais-je – me fit chaud au cœur et me réconforta. Près de
cinquante années ont passé depuis lors, et un long temps je mis avant de
comprendre la véritable raison de mon apaisement à la triste nouvelle que je
venais d’ouïr. De mon maître, j’en découvrais soudain l’humanité profonde. Qui,
en ce monde, d’un maître à une servante, a vraiment vu sincère affliction, au
point que les larmes lui en coulent des yeux ?
    Peu de vous, lecteurs, je le cuide assez, car c’est une
règle aussi, dont j’eus à juger de l’excellente rigueur, que les maîtres sont
sensibles et humains pour leurs proches et égaux, mais peu touchés en vérité
par les malheurs du domestique, ou tout en superficialité et hypocrites
manières. C’est un fait constant et avéré, mille fois vérifié, que cette
compassion pour les uns et cette sécheresse pour les autres, lors même qu’il
s’agit d’identiques malfortunes, et qui m’a tant et tant révolté ma vie durant.
    — Miroul, reprit mon maître, tu devrais à l’occasion
jouer de la viole et chanter pour elle. Comme bien tu sais, ta musique est un
enchantement et c’est merveille de voir le ravissement de notre petite Hélix
quand tu pinces les cordes en accompagnant de la voix.
    — Je le ferai, Moussu Pierre, quand même j’aurais le
cœur bien gros de me trouver devant elle.
    — Je te mercie bien, Miroul.
    Rare est le valet qui entend son maître le gratifier de
cette manière car le serviteur n’appartient mie à la condition qui s’y prête,
et je vis là encore l’effet de l’honnête désarroi que Pierre de Siorac
éprouvait au grand malheur de la petite Hélix.
    De cette tristeuse nouvelle je conçus un trouble profond car
la petite Hélix était si proche de mon maître que souvent nous conversions et
qu’elle m’était apparue dès mon arrivée en Mespech comme la fleur en son vase
qui parfume et réjouit le logis. N’était-elle point la secrète compagne de
Pierre de Siorac qui très sûrement, étant plus âgée que lui, l’avait déniaisé
et instruit en ces choses du sexe dont mon maître ferait tant usance au cours
de l’existence ? Pour mon maître, de la savoir si mal, soudain, que nulle
curation ou remède ne la pourrait guérir, mettait un terme à l’enfance aussi,
et je devinais et la rupture et la

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