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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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conciliation, que l’on doit ce miracle. Mais que dire des deux aînés du
même lit qui se querellent à tout vent et cherchent l’affrontement dans la
moindre des peccadilles !
    Il y eut un silence un peu triste et, comme il se
prolongeait, je clignai des yeux vers les grandes frondaisons d’où le soleil
perçait par intermittence.
    — Comprends-tu, Miroul, le fond de cette
querelle ? Tel, sûr de son fait et de sa position, qui morgue son cadet,
lequel oncques ne l’acceptera, et de sa vie traînera comme le forçat son boulet
de ne pas être baron de Mespech, place qu’il nie à l’aîné. Entends-tu cela,
Miroul ?
    — Oui-da, Moussu lou Baron, dis-je avec application.
    — Et je n’y puis rien, sanguienne, si l’un est né avant
l’autre !
    Il se tut et je vis ses mains se crisper sur les rênes, à
telle enseigne que le cheval redressa la tête pour se soulager du mors qui lui
ouvrait la gueule.
    — Ah ! poursuivit-il, j’entends bien les critiques
de Sauveterre à mon égard, qui s’apense que je place le cadet au-dessus de
l’aîné ! C’est là injuste reproche, car je sais les qualités et défauts et
de l’un et de l’autre, et en biffant les vices chez les deux, ne conservant que
les qualités, on ferait là un parangon de vertu et de fortitude. J’en suis bien
convaincu de cela ! Et est-ce de ma volonté, ajouta-t-il avec un désarmant
accent de sincérité dans la voix, si je me sens plus proche du cadet, y compris
de ses imperfections !
    Comme vous l’imaginez, lecteur, j’étais tout esbaudi et bien
brouillé de tant de confidences de la part du baron et, ne sachant quel parti
prendre, je résolus derechef de me tenir quiètement à ma place, celle de celui
qui oit sans écouter.
    — Cela n’en finira point tant qu’ils seront face à face
tels deux lions devant le même quartier de viande et, de ce qu’il faut faire,
je vais t’en dire ma râtelée. J’ai depuis tout temps projet d’envoyer Pierre à
Montpellier, ainsi que Samson, pour préparer leur avenir. L’un sera médecin,
l’autre apothicaire, car tel je l’ai décidé. Quand Pierre sera établi médecin
en la ville de Sarlat, les avantages de la fonction et de la cité le guériront
du mal qui le ronge. Et toi, Miroul, tu auras ton rôlet à tenir en cette
affaire.
    — Moi, Moussu lou Baron ?
    — Tu les accompagneras et, par ton aide constante, tu
seras l’intendance sans laquelle tout projet débouche sur le néant.
    — M’en croyez-vous digne, Moussu lou Baron ?
    — Certes oui ! Tu es de ceux qu’on ne remarque
guère mais qui sont solides sur leurs jambes, résistent au vent et à la
tourmente et répondent présent quand on a besoin d’eux.
    Je goûtai suavement le compliment comme un bon miel qui
coule dans le gargamel, sans me douter que j’allais ce tantôt le justifier tout
à plein, et que le baron n’aurait qu’à s’en louer, et de la plus vitale des
manières.
    Ce fut la première fois que le baron me confia au bec à bec
son projet pour mon maître et m’informa de la sorte que ma vie s’élargirait
bientôt vers d’insoupçonnés horizons, si vastes et si lointains que le paysan
ne se peut pas même l’imaginer. Et encore, à ce moment, je ne pensais me rendre
qu’en la lointaine Montpellier, et qu’aurais-je dit si on m’avait prédit que
j’irais jusqu’en la capitale de ce royaume, et même plus tard en celle
d’Angleterre ? Je cuide assez que j’en aurais eu le palpitant tout
accéléré, des jambes flageolantes, et la tête tournant à me pâmer devant le
grand vertige de l’inconnu.
    — Pour cela, il faut encore se mâchouiller un temps
cette morne patience qui nous ensommeille, car les affaires du pays ne sont pas
ce qu’elles doivent être pour que deux huguenots puissent sans trop de péril
quitter leur tanière. Mais les choses sont en toute bonne voie, Miroul, et j’ai
bon espoir que le moment viendra plus vite que d’aucuns le pensent. Au rebours
de ce que j’ai craint il y a peu, il semble que Catherine de Médicis, la mère
du roi, ne s’alliera pas avec l’Espagnol Philippe II. Ceci est capital,
Miroul, et devrait éloigner les menaces qui planaient sur ceux de la religion
réformée.
    À moi qui ne savais pas même qui était cette Catherine de
Médicis, et encore moins Philippe II d’Espagne, l’information me glissa
tout autant que l’eau sur les plumes d’un canard et je n’en compris du tout le
rapport avec le voyage

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