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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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joue, explore la vie
et les plaisirs, et aime sa Margot !
    Ému lors jusqu’aux larmes, je l’enlaçai, la serrai contre
moi, et je crois bien que – nous étions tant jeunes à
l’époque ! – nous coqueliquâmes derechef dans le chaume. Ah,
vramy ! Que la remembrance de ces déduits dans la paille m’est précieuse
et comme je souhaiterais à chacun, au moins une fois en son existence, d’y goûter
et d’en être ! Ce sont là juvéniles plaisirs et sensations dont la
découverte décuple l’intensité, et qui s’estompent ensuite avec l’âge, leur
force s’en allant diminuant à proportion de la connaissance qu’on en acquiert.
Plus tard, la technique se peut remplacer les premiers émeuvements, mais je ne
suis pas bien sûr que le contentement et l’enchantement y gagnent, et je reste
pour ma part convaincu que cette technique n’est que cautère sur jambe de bois
et ne saurait atteindre aux ravissements des émois de jeunesse.
     
    Dans les semaines qui suivirent cette discussion avec
Margot, je remarquai que Franchou s’alourdissait, allant d’une démarche plus
précautionneuse qu’à l’accoutumée, que son visage s’arrondissait et se lissait,
sans qu’on pût y lire aucun signe de santé mauvaise, et que son humeur douce et
sereine s’accentuait même d’une curieuse et frappante manière. De cet état
nouveau qui chaque matin se faisait plus sensible, je ne fus pas long à douter
de la cause, et si nul ne s’ouvrait de cela en ma présence, je surpris
certaines allusions et clabauderies en la salle commune, surtout des garces
telles la Maligou, la Gavachette ou Barberine, qui ne laissaient guère
d’incertitude sur le devenir de la chose. Adonc, la Franchou était grosse, et
il en devient de cette nouvelleté que chacun le savait mais que nul n’en
parlait, comme si le Saint-Esprit en était l’auteur.
    Au demeurant, il aurait fallu être bien béjaune pour s’en
étonner, car le baron, tel qu’on le connaissait, devait journellement tremper son
pain au rôt, avec les conséquences que voilà, la Franchou n’ayant certainement
ni le choix de se refuser, comme ma Margot, ni sans doute l’accès aux herbes et
décoctions pour remédier aux lois de la nature. Elle ne semblait pas en être
affectée plus outre, et même je dirais que c’était merveille de la voir
s’arrondir ainsi dans la quiétude et la sérénité, ne semblant craindre aucun
fâcheux retournement du baron à son égard en raison de son état. Il n’y en eut
point du reste, le baron ne changeant en rien sa conduite envers elle et la
place de la Franchou en Mespech restant à l’identique de ce qu’elle était avant
l’engrossement.
    Avouons aussi que les gens de la campagne ne s’offusquent
guère de telles mésaventures, lesquelles sont ordinaires chez les garces de
ferme et de village, le mariage venant bien souvent conclure une fête que,
selon l’Église, il se devrait d’ouvrir, si bien que ce n’est pas du domestique
que le baron pouvait craindre docte reproche ou morales représailles pour son
éternelle malconduite. Ceux qui trouvaient à y redire, sans doute, étaient à
chercher en châteaux voisins, chez les seigneurs catholiques, qui devaient en
ce prédicament trouver zèle et appui vertueux chez le curé de Marcuays, lequel
ne devait pas manquer de relever que de telles aberrations se produisaient en
maison huguenote, preuve du lubrique dérèglement de ces hérétiques. Et, de
fait, la conduite du baron n’aidait guère la cause de la Réforme, d’ailleurs
elle n’en était mie conforme, tout le rebours, et je sais bien qui, au château,
devait encore s’en désoler, et accabler le baron de sa désespérance.
    Je ne sus rien, pourtant, de la réaction de Sauveterre, mais
elle ne peut faire de doute, car il était si peu dans les façons de l’immutable
ami du baron de frotter son lard contre celui d’une garce, à moins que Dieu
lui-même ne la lui désignât comme sa promise, ce qui oncques n’arriva, qu’il
dut encore se produire d’âpres querelles à ce sujet, même si elles se
déroulèrent dans le secret de la librairie, et toutes portes bien closes.
Cependant, si comme l’affirme le populaire : à quelque chose malheur
est bon , Sauveterre ne pouvait que penser aussi à la phrase de la Bible qui
recommande à tout bon chrétien d’être fécond et de se multiplier sur la Terre [17] .
Si le mode de multiplication n’était pas le meilleur au regard de la

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