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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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stricte
morale, il n’en était pas moins efficace, et Sauveterre pouvait au moins se
féliciter que de cette indigne union, d’un baron et d’une chambrière,
résulterait un pitchoune, regrettable certes, mais que celui-ci serait huguenot
et viendrait grossir les rangs de ceux qui sont dans la vraie religion. D’une
certaine manière, ne pouvait-on point dire qu’au regard des livres saints,
l’exubérante inconduite du baron compensait celle, trop monacale, de
Sauveterre, et que le baron engendrait par procuration la marmaille que
Sauveterre se refusait à faire lui-même de son vivant ?
    Sur le fond, le baron n’avait cure de tout cela et ses
préoccupations n’étaient point tant célestes et spirituelles, mais son sens du
devoir ne le quittait pas et, à la naissance du petit, laquelle eut lieu, selon
mon souvenir, en juillet 1564, il convoqua le notaire, fit nommer le nouveau-né
David de Siorac et s’engagea, à sa majorité, à lui bailler une somme de deux
mille écus pour son établissement, agissant ainsi d’une façon fort similaire à
ce qu’il avait décidé jadis pour Samson. Ceci portait à cinq le nombre des
enfants du baron Jean de Siorac, mais j’eus souvent le sentiment qu’il devait
s’en trouver d’autres, inconnus et sales, ignares et incultes, usant leur fond
de culotte en certaines cours de ferme.
    Lors que la grossesse de la Franchou se poursuivait au vu et
su de tous, et sans plus de clabauderies inutiles dès que le baron l’annonça
officiellement à la repue d’un soir, mon maître, un jour, s’en revenant de son
inspection du domaine qu’il effectuait une fois par mois, me demanda de m’en
aller quérir Samson sans tarder. Comme je revenais en sa compagnie, je vis mon
maître en grande parlerie avec son père et ce dernier, nous apercevant,
s’écria :
    — Eh bien, mon Pierre, mène-nous et montre ce qu’il en
est !
    À pied, franchissant les trois ponts-levis, nous gagnâmes
l’arrière du château, le long de la muraille nord où les douves n’étaient qu’un
étroit bras d’eau qui rejoignait par les côtés, longeant tout du long les
remparts par l’ouest et par l’est, l’étang qui s’ouvrait au sud.
    — Voyez, monsieur mon père, dit mon maître, comme ces éboulements
qui continûment affectent la berge glissent dans ces douves et menacent de les
combler, aplanissant le relief.
    De cet air grave qu’il prenait parfois, le baron constatait
par lui-même et hochait la tête, approuvant le constat.
    — Et de la profondeur d’eau, qu’en est-il à
présent ? demanda-t-il.
    — Avec une gaule, j’en ai estimé la hauteur. Elle varie
de place en place, mais au mieux atteint tout juste mes épaules, alors qu’en
d’autres endroits elle dépasse de peu mes genoux.
    — Bigre ! fit le baron d’un ton sinistre.
    Il marcha à grands pas dans un sens puis dans l’autre,
inspectant de dextre à sénestre, deçà delà, sans mot piper, puis à la parfin,
il s’arrêta net et se tourna vers nous :
    — Bien nous faudra curer l’ensemble, sinon cette douve
n’aura plus guère d’utilité et nous aurons là une faille dans notre défense.
    Chacun se tenait coi, attendant instructions qui tardaient à
venir, car l’affaire n’était pas tant simple ; curer les fossés sans vider
l’eau n’était pas envisageable, et assécher le lac était monstrueuse et
titanesque tâche, qui nous aurait laissés un long temps sans cette bien utile
protection.
    Le baron s’écarta de la berge et s’adossa à un saule afin
que de prendre tout le moment de la réflexion, et parler juste et net comme à
son habitude. Ayant passé la main plusieurs fois sur son menton, tel un homme
de sciences qui encontre un épineux et inattendu problème et tarde à le
résoudre, il revint près de nous et nous livra son idée.
    — Mon avis est que nous ne pouvons vider l’étang, car
si le fait en lui-même n’est point tant ardu, c’est l’emplir derechef qui
demandera une main-d’œuvre que nous n’avons pas, ou qui nous coûterait une
somme que Sauveterre sera fort renâclant à bailler.
    Il nous conduisit lors à l’une des deux extrémités de la douve,
là où elle s’interrompait pour laisser place à l’étang.
    — C’est ici qu’il faut agir, et à l’autre côté aussi.
Il nous faut construire, en ces deux endroits, un barrage qui coupera le
passage entre l’eau de la douve et celle de l’étang.
    — Ensuite ? demanda mon

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