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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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maître.
    — Ensuite, par une tranchée creusée de la douve et vers
le bois, qui est un point bas, nous viderons l’eau de cette seule partie avant
que de commencer le curage. Enfin, quand tout sera terminé, en enlevant les
deux barrages, nous emplirons d’eau de nouveau ce secteur.
    — Mais cette ultime étape ne provoquera-t-elle pas une
baisse du niveau de l’étang ? objecta mon maître.
    — Si fait, Pierre, mais négligeable, tant la douve
arrière représente un volume bien petit à comparaison de celui de l’étang, et
cette ponction sera vite rattrapée par les eaux de pluie, du moins je le cuide.
    — Et qui construira les barrages ?
    — Faujanet me paraît tout indiqué, sachant tout faire
avec quelques planches de bois.
    On fit venir Faujanet, lequel oya sans sourciller l’idée du
baron, tout en gardant les yeux fixés sur les douves. Quand le baron se tut, il
nous considéra les uns après les autres, mais resta coi et taciturne.
    — Adonc Faujanet, que t’en pense de ce plan ?
questionna le baron assez à l’abrupt, étonné par ce silence.
    Faujanet racla sa gorge par deux fois et dit :
    — Si Moussu lou Baron me le permet, c’est une belle et
bonne idée, mais vous y perdrez l’eau des douves, aussi pour partie celle de
l’étang, et vous aurez une bien dure tranchée à creuser.
    Le baron eut un geste d’humeur, regarda tour à tour ses deux
fils, comme s’il les prenait à témoin que la critique chez le domestique était
seconde nature, et sans doute se demanda-t-il s’il n’y avait pas là une
séquelle de l’affaire de la Maligou, car chacun, après coup, avait bien compris
combien elle s’était fait enfariner d’une fort ridicule manière.
    — La tranchée, s’écria-t-il, ce n’est pas moi qui la
creuserai et tu y seras de corvée comme les autres !
    — Nenni, Moussu lou Baron, point n’ai l’intention de creuser
comme un bagnard.
    — Quoi ! hurla le baron, tu refuses de
creuser ?
    — Je ne refuse pas, Moussu lou Baron, mais ne creuserai
point.
    — Fais bien attention à ce que tu dis, Faujanet, car ma
patience atteint sa limite et il t’en cuirait de continuer à jouer
l’insolent !
    À dire le vrai, je craignais prou pour Faujanet et son
comportement m’était tout sauf intelligible. Mon maître, qui assistait à la
scène, en était lui-même tout abasourdi, et jetait des regards inquiets à son
père, ne trouvant point aussi facile remède pour contrer le Faujanet, dont il
n’entendait mie ni l’attitude ni la posture, que pour la Maligou quelques
semaines auparavant.
    — Moussu lou Baron m’a demandé mon avis, lors je l’ai donné,
reprit Faujanet. Si je prétends que je ne creuserai point la tranchée, et je
vois bien que cette affirmation heurte Moussu lou Baron, c’est que j’en tiens
pour inutile de la creuser.
    — Inutile ? fit le baron en soulevant les
sourcils.
    — Oui-da, inutile. Car on peut mettre l’eau des douves
dans l’étang, puis la remettre ensuite dans les douves quand le curage en sera
terminé.
    — Quel est ce prodige ? Tu deviens fol,
Faujanet ?
    — Que non point, Moussu lou Baron ! et ce disant,
Faujanet s’approcha de la douve et étendit le bras dans sa direction.
Voyez-vous que le niveau de la terre dans les douves, du fait des éboulements,
est beaucoup plus haut que dans l’étang ?
    Tous, comme de bons écoliers, nous approchâmes pour le
constater. Faujanet reprit :
    — À l’embouchure de la douve, le niveau s’abaisse
brutalement pour rejoindre celui de l’étang. Il faut, à ce niveau, poser un
barrage et un pertuis assez proches.
    — Un pertuis ? questionna le baron.
    — C’est un barrage muni d’une porte. Quand le barrage
côté étang et le pertuis côté douve seront bien en place, et il me faudra pour
cela l’aide de Jonas et de quelques autres, nous viderons l’eau du sas dans
l’étang à l’aide d’un système de barriques pivotantes que j’installerai au
sommet du barrage. Puis, le sas étant vide, nous ouvrirons la porte du pertuis,
et l’eau viendra couler naturellement dans le sas et le remplir. Quand celui-ci
sera plein, nous fermerons la porte et recommencerons l’opération de vidange
par les barriques. Il suffira de répéter l’opération autant de fois que
nécessaire jusqu’à assèchement complet de la douve.
    Nous restâmes béants d’admiration devant un procédé si
ingénieux que même le baron n’y avait point

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