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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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qui
consistait à attendre vers le milieu de la nuit avant d’agir, espérant que les
guetteurs – si guetteurs il y avait – se soient assoupis et leur
vigilance relâchée, j’attendis patiemment le moment et, quand il vint, me levai
sans bruit et approchai de la palissade. Ne pas franchir ce premier obstacle m’aurait
obligé à nager dans l’eau une distance assez considérable jusqu’à l’île, car
l’étang approchait bien les dix toises de largeur, ce qui ne laissait pas
d’impressionner, alors que la courte distance au niveau du premier pont-levis
ne paraissait pas présenter de péril sérieux.
    La palissade fut jeu de pucelle et j’atterris au pied d’un
arbre, joyeux de ce premier succès, dont je n’eus pas le temps de trop me
réjouir, car je vis, me courrant sus, la tête redressée, le poil du dos
hérissé, la queue droite et grondant d’une formidable manière, trois énormes
dogues, de ces chiens qui n’ont pas l’us de s’en laisser conter par le premier
maraudeur venu. J’eus un frisson car je n’avais jamais vu pareilles bêtes et
j’étais en grande doutance que ces mâtins-là puissent considérer votre
« chiot-pitchoune » comme un ami.
    Instinctivement, je m’allongeai sur le sol, dans une
attitude de grande soumission, évitant de les défier en les regardant dans les
yeux, et rampant vers eux avec de petits jappements plaintifs, comme pour bien
signifier, non seulement que je n’avais pas peur – ce qui pour dire le
vrai n’était pas entièrement exact –, mais aussi que je ne cherchais
aucune querelle, bien au rebours, étant animé des meilleures intentions du monde.
Cette conduite me remonta du plus loin de mon enfance, de cette période où je
devais composer et transiger au milieu de la meute, car celle-ci a ses
règles – qu’il faut suivre – et une stricte hiérarchie.
    Soudain plus calmes, cessant leurs impressionnants grondements
mais le poil toujours rebroussé, ils me flairèrent attentivement, de la tête
aux pieds, indécis, hésitants, puis pissant sur un tronc d’arbre et grattant
énergiquement la terre de leurs pattes arrière, ils s’apazimèrent tout à plein,
comme si de toujours je m’étais trouvé parmi eux.
    Je me relevai et ils me suivirent jusqu’à la rive où je me
glissai incontinent dans l’eau noire pour nager doucement vers l’île où
j’abordai, dégouttant d’eau de toute part, et transi assez par le froid. Sur la
berge que je venais de quitter, les chiens cessèrent bientôt de regarder dans
ma direction et s’allongèrent sur le sol, quiets comme des chiens de chasse de
retour de la traque. Je marchai jusqu’au lavoir que j’escaladai promptement
pour me hisser sur le toit, d’où j’envisageai la sombre muraille qui me faisait
face ainsi que le bras d’eau qui m’en séparait. La distance était plus grande
que je ne l’avais cru et il était totalement exclu que je lançasse le grappin
sur les créneaux, la longueur de la corde étant insuffisante et la force
physique requise bien au-dessus de la mienne. Cependant, aux trois quarts
environ du rempart, se trouvaient des bobèches scellées dans le mur et
destinées à recevoir des torches pour éclairer la muraille, assurément en cas
d’attaque de nuit, concluai-je – ce qui en disait long encore sur la
sagacité du propriétaire des lieux. C’est une de ces bobèches que le grappin
devait atteindre si je voulais espérer pénétrer dans cette forteresse.
    Quand je m’apense maintenant à ce que, sans défaillir
aucunement, je m’apprêtais à faire au milieu de cette sombre nuit, je dois
avouer que des frissons branlent mon dos et qu’une sueur froide coule le long
de mes aisselles. Car il s’agissait ni plus ni moins, une fois le grappin
accroché, tenant fermement la corde, de basculer en direction de la paroi, et
de résister au choc violent que je ne manquerais de supporter et que mes jambes
tendues en avant tenteraient au mieux d’amortir. Si, par bonheur, je réchappais
à cette collision entre mon corps et la pierre, je devais me hisser jusqu’à la
bobèche, et prenant appui avec les pieds sur quelques aspérités de la paroi,
tenant d’une main la bobèche, relancer de l’autre le grappin pour l’accrocher
au-dessus de moi à un créneau du chemin de ronde. Oncques n’avais tenté plus
périlleuse acrobatie et je suis tout atendrézi d’être encore de ce monde pour
vous la conter céans.
    Il ne fallut que trois tentatives

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