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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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le renforcer dans sa
contestation de la règle et du droit d’aînesse. Respectez une juste balance et
ne déposez pas toujours votre appui sur le même plateau, vous aideriez ainsi
son tempérament à être moins tumultuaire, à s’assagir, et peut-être aussi à ne
pas vous imiter en tout, comme la véritable idole que vous êtes à ses
yeux !
    — Qu’est-ce à dire ? dit Jean de Siorac sur le ton
le plus froid.
    — Que, modèle, vous ne pouvez point l’être ! Et
que l’exemple que vous donnez avec les garces, lesquelles ne peuvent faire un
pas sans sentir sur elles votre souffle, est indigne d’un bon chrétien et que
je crains fort qu’il n’ait déjà déteint sur votre fils adoré !
    — Dites-en plus, je vous prie. Sont-ce ragots et
clabaudages de la Maligou dont nous allons causer asteure ?
    — Que nenni, ce n’est point là ragots de la Maligou et
il ne faut pas avoir vue trop perçante pour constater que Pierre a déjà
commencé à imiter votre assez détestable pratique de butiner parmi le
domestique !
    — Vraiment ?
    Et là, contre toute attente, le baron se mit à s’esbouffer
comme si on lui faisait découvrir une émerveillable historiette.
    — Et puis-je savoir avec qui ? ajouta-t-il.
    — La petite Hélix ! Tel qui voit le père, connaît
le fils ! Et riez tandis que de mon côtel je prie et pour votre âme et
pour la sienne !
    — La petite Hélix… répéta Jean de Siorac sur un ton qui
me parut plus songeur que malengroin.
    Et la suite de cette très instructive conversation, je n’ai
pu la connaître, hélas, car j’entendis, en provenance du grand escalier, les
voix de Pierre et de Samson qui le gravissaient, si bien que je dus incontinent
reprendre ma marche en avant, mon gros paquet de linge sous le bras.
    Ainsi, les premiers mois à Mespech furent pour votre jeune
serviteur un enseignement constant et journalier où je picorais à dextre et à
sénestre, devant et derrière, jusqu’à plus faim, jusqu’à plus soif, dans un
monde nouveau qui m’intriguait et me fascinait tout à la fois. J’enfournais
tout dans ma besace, un peu pêle-mêle et sans trop y regarder, robeur
d’informations et de secrets, séquelle sans doute de cette ancienne condition
de larron qui fut la mienne et dont je ne parvenais à me débarrasser tout à
plein.
    Mais je dirais qu’il s’agit aussi là de routine dans
l’occupation du valet, d’un rôlet que son maître lui assigne bien souvent pour
les autres, sans soupçonner qu’il s’applique aussi à lui, et que cet être
discret, toujours silencieux et un peu à l’écart, sait prou sur ceux-là mêmes
qu’il sert avec déférence et respect, les yeux modestes, la face composée, le
buste en retrait et une savante pratique de la marche arrière. Encore que, Dieu
merci, chez les Siorac, je n’avais point tant à contrefaire, au rebours de
moult de mes confrères, mon maître étant simple et direct et, quant au fond,
d’une affection véritable et sincère à mon égard.
    Sous la recommandation insistante du bienveillant curé de
notre paroisse, j’ai rappelé ci-avant deux événements marquants de ces premiers
mois, le départ de Coulondre Bras-de-fer et l’arrivée de Franchou dans la
communauté de Mespech. L’un profita de ce que personne, pour d’évidents soucis
de sécurité en ces temps troublés, ne souhaitait vivre dans le moulin de
Gorenne nouvellement acheté par la frérèche pour s’y porter candidat, ce qui le
logea dans une position ferme de négociation où même l’implacable Sauveterre
dut en rabattre, comme je l’ai expliqué déjà. L’autre, Franchou, ancienne chambrière
de la baronne, fut arrachée en Sarlat dévasté et à la lèpre et au boucher
Forcalquier, lequel terrorisait la ville avec ses gueux, pour ce que sa belle
charnure titillait le baron et qu’il la souhaitait près de lui à Mespech pour
les raisons qu’on devine, ce qui fut fait au risque de la vie de ses propres
fils qui l’accompagnèrent en cette aventure, hormis François qui n’y prit part.
    Je ne fus pas convié à l’affaire, et ne peux donc en causer
d’autorité, sinon que j’en sais ce que mon maître m’en a confié à son retour et
qui est relaté très à l’exactitude dans ses Mémoires, mais je me ramentois fort
bien les durs reproches que Sauveterre fit au baron au sujet de cette
inconséquente action. Gager la vie de ses propres enfants pour enfiler une
garce ayant été, je le cuide

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