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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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assez, le plus honteux des errements de chair du
baron que Sauveterre oncques ne pardonna tout à fait. Je me suis apensé avec
horreur que si Pierre y avait laissé là sa jeune existence, ou lors Samson, le
baron n’y aurait pas survécu, bourrelé du plus dévastateur des remords, lequel
l’aurait abattu sans doutance aucune comme le vent mauvais parfois déracine le
plus puissant des chênes. Mais brisons là sur cette sordide entreprise,
laquelle s’est fort heureusement conclue sans navrement aucun pour personne et
sauva la Franchou quasi emmurée en le logis de sa maîtresse, d’où elle n’avait
droit de sortir du tout, étant suspectée de la lèpre, ce qui grâce à Dieu se
prouva faux.
    De mon côtel, l’existence en Mespech ne compta pas de tels
exploits, du moins en ses débuts, n’ayant pas été choisi par le baron pour
participer à cette périlleuse délivrance où pourtant mon art dans le maniement
du couteau eût pu se révéler fort utile. À son retour, mon maître fut enfermé
en quarantaine, comme les autres, et donc Samson aussi, car il se pouvait que
le mal de lèpre se soit entré et répandu en l’un d’eux pendant l’expédition.
Cette période – quarante jours – marqua pour moi une relative liberté
où mon rôlet de valet se réduisit à peu de chose, sinon à rien. Bien sûr, je
n’en restai pas pour autant désoccupé à me ventrouiller dans l’inactivité comme
un empereur romain couché sur sa litière. Imagine-t-on un domestique faire
néant, le jour durant, mains en poches et épis de blé en bouche, tandis que les
autres triment et suent d’incessants labeurs ? Nenni, cette vie n’est pas
pour nous autres, jamais, et j’allais plus souvent aux champs, ou ailleurs, et
les activités ne manquaient pas que j’ai narrées déjà.
    La petite Catherine, un matin, de ce qu’il se pourrait
qu’elle avait remarqué l’efficacité de mon coup de faux, me demanda de l’aller
suivre hors de Mespech afin que de l’aider à trancher la luzerne pour nourrir
son lapin blanc, ce que j’acceptai sans rechigner aucunement, ayant toujours
aimé prou cette enfant timide et délicate qui me laissait tout atendrézi. Ayant
franchi successivement les trois ponts-levis et parvenus près du petit champ,
je remarquai que l’on travaillait dur dans le potager d’à côté, jambes
écartées, bustes cassés, bras tendus arrachant herbes folles, et les cheveux
tombant par-dessus têtes. Il y avait céans la petite Hélix, la Gavachette,
Barberine, et Margot qui me tournait le dos mais dont la posture laissait voir,
par ce fait, un postérieur ferme et comme offert, bien moulé par la robe. Il en
est ainsi des hommes que nous avons parfois du mal à détacher notre regard de
certains spectacles inattendus, si bien qu’il me fallut toute ma volonté pour
garder tête droite et continuer à causer du plus grand naturel avec la petite
Catherine.
    Celle-ci me désigna le triangle de luzerne qu’elle
souhaitait amasser en ses mains et il était à la vérité si petit qu’une simple
faucille y aurait suffi. Je n’en dis rien pour non pas la décevoir et,
saisissant ma faux par le bon bout, je donnai du muscle en un mouvement
circulaire assez ample, bien inutile j’en conviens, et qui ne servit qu’en bout
de course à raser la petite ration indiquée. Catherine en fut ravie, battit des
mains, et se mettant à genoux ramassa la moisson de luzerne et, se relevant incontinent,
courut en direction des clapiers. Tenant la faux bien droite à mon côtel, je la
regardai s’éloigner, à sauts et à gambades, dans la fraîcheur et l’innocence de
ses huit ans.
    — Il sait y faire, Miroul, avec une faux, à ce que j’ai
pu en voir ! dit derrière moi une voix moqueuse qui me fit sursauter.
    C’était la Margot qui avait quitté son potager, et sans que
j’en fusse alerté par rien, se trouvait à deux mètres de moi, les jambes
droites bien calées sur le sol, le buste cambré, les mains aux hanches, la
poitrine en avant, et ses yeux verts de chatte plantés dans les miens comme
deux fléchettes.
    — Grammerci, Margot, répondis-je, mais mieux tu en
jugeras à la moisson du blé et des foins !
    — Et comment est-ce donc qu’on apprend ces choses-là
dans une vie de larron ? me demanda-t-elle intriguée.
    — C’est que larron n’ai point toujours été, et
seulement par accident !
    — Et comment donc ? insista-t-elle.
    — Je suis, Margot, enfant de paysans, tout

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