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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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les bras. Au niveau de la librairie de la frérèche, des éclats de voix me
parvinrent, aussi nets que si on causait à mon côtel, la raison en étant que la
porte de la bibliothèque n’était que poussée et non fermée. M’immobilisant en
retrait, sur le qui-vive et le pied en avant, prêt à repartir incontinent, et
innocemment, si quelqu’un venait à ouvrir la porte brusquement, je tendis
l’oreille et écoutai. Que le lecteur me pardonne si cette attitude le choque
mais ne suis ni noble ni prêtre, mais un simple valet issu de rien et point
n’ai reçu l’éducation de ces messieurs.
    — Non, non et non ! Ce que vous dites est faux et
injuste ! Je le mécrois ! criait Jean de Siorac.
    — Ce n’est là que vérité d’évidence, répondit une voix
froide et glacée que je reconnus comme étant celle de Sauveterre, et je vous
prie de calme garder et de ne point vous encolérer de la sorte.
    — Mais je ne suis pas en colère ! hurla Jean de
Siorac, seulement je ne peux admettre que vous affirmiez que Pierre est le
préféré de mes enfants et que je me conduis mal avec mon aîné François !
    — Vous préférez Pierre, et il faut que vous soyez bien aveugle
pour ne point vous en rendre compte. À quoi donc vous sert votre esprit si vous
êtes incapable de démêler les plus clairs de vos sentiments et que l’ire vous
emporte dès qu’on vous en cause ? Magis magnos clericos non sunt magis
magnos sapientes [7]  !
    —  J’aime Samson, dont vous ne parlez pas, autant
que Pierre ! s’écria Jean de Siorac.
    Ici je me fis la réflexion que le baron biaisait
curieusement et cherchait à écarter Sauveterre de son sillon. Ce fut peine
perdue.
    — Je ne parle pas de Samson parce qu’il n’y a pas lieu
d’en parler, mais vous préférez aussi Pierre à Samson, tout comme vous préférez
Samson à François.
    —  Non est dea [8]  ! hurla derechef Jean de Siorac.
De quel droit osez-vous dire de telles choses !
    — Du droit de celui qui observe et voit les faits
au-delà des passions.
    Sur quoi, il y eut un assez long silence, qui faillit me
faire décamper de la place car je craignais trop que la porte ne s’ouvrît, et
de me retrouver groin à groin avec le baron. Mais celui-ci reprit d’une voix
radoucie :
    — Mais, à la parfin, que me reprochez-vous ? Vos
griefs ne sont-ils pas exagérés par votre inflexible morale au point que
vous-même n’en perceviez pas le grossissement ?
    — Il n’y a pas d’inflexible morale, il y a la morale,
répondit Sauveterre d’une fort roide manière.
    — Certes, certes, il y a la morale, reprit Jean de
Siorac, mais je gage que vous m’avez parfaitement compris.
    De nouveau, il y eut un temps où aucun des deux ne pipa mot,
ce qui m’inquiéta, mais Sauveterre enfin poursuivit, sans relever la dernière
remarque du baron :
    — Vous vous conduisez mal envers François en ce sens
que vous lui manifestez une assez palpable indifférence, étant lointain et peu
préoccupé par l’enseignement que je lui dispense sur le fonctionnement du
domaine, lui adressant fort peu la parole et ne s’intéressant ni à ses goûts ni
à ses aspirations.
    — Vous savez bien que, sans l’aimer moins pour autant,
je trouve que François est un peu trop fier et outrecuidé en ses prérogatives
d’aîné et qu’il n’a pas de considération assez pour ses cadets.
    — Pour ses cadets ! dit Sauveterre en riant. Pour
Pierre, voulez-vous dire !
    — Pour ses cadets, répéta Jean de Siorac d’une voix un
peu piquée, car il manque aussi de considération pour Samson.
    — Certainement, pauvre Samson, mais les raisons en sont
tout autres et vous n’y êtes pas totalement étranger, n’est-ce pas ?
Est-ce là aussi inflexible morale que de vous rappeler qui est la mère de
Samson et toute la zizanie que cette histoire a semée entre Isabelle et vous,
puis entre François et vous !
    — Je vous en prie, ce point, vous me le reprochez assez
souvent et je bats ma coulpe, toujours et à chaque fois. Tenons-nous-en aux
griefs du jour.
    — Quant à Pierre, vous l’entretenez presque chaque jour
de la matière de médecine avec un tel entrain et enthousiasme que cela peine
votre aîné car ne se peut qu’il ne le remarque.
    — Je pourvois à son éducation, et c’est bien naturel
puisqu’il n’aura ni le domaine ni le titre.
    — Fort bien. Mais ne le soutenez donc pas à chaque
querelle avec son aîné, cette attitude ne pouvant que

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