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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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aggravant la mélanconie et la langueur qui naît
parfois de cet état.
     
    Durant la quarantaine de mon maître que je ne vis mie tout
ce temps, ce qui me parut fort long car déjà j’étais très attaché à lui, le
baron et Sauveterre m’ordonnèrent de joindre la petite Hélix et la Gavachette à
qui la frérèche s’était mis en tête d’apprendre à lire et écrire, décision bien
peu ordinaire pour des servantes, dont il n’est pas l’us qu’elles en sachent
tant et n’ont nul besoin dans leur office. La raison en était que la
frérèche – et Sauveterre en premier – jugeait que la religion s’apprenait
dans les livres saints et qu’il fallait soi-même les lire journellement pour
fortifier la foi qui autrement se délite et s’éparpille au vent de l’hérésie.
J’y appris prou et la remembrance de ces études m’est chère, non seulement
parce que j’y puise la fierté de ce mien savoir, mais aussi parce que de cette
période date sans doute le tout début de cette longue affaire qui m’a conduit à
écrire ces Mémoires que les lecteurs me font l’obligeance de lire.
    De par le fait, je fus souvent auprès de la Gavachette et de
la petite Hélix, tous trois studieusement penchés sur la table, une plume
maladroite à la main, et la petite Hélix je ne regardais jamais, ou de l’œil le
plus innocent, pour ce que mon maître avait jeté son dévolu sur elle, ce qui me
la rendait tout à fait inaccessible au désir, et ce d’autant plus qu’elle
aimait Pierre de Siorac d’un amour pur et sincère, sans arrière-pensée aucune.
    Il n’en allait pas de même avec la Gavachette ! Cette
jeune garce était un vrai démon et me faisait mille petites mines et sourires
enjôleurs, se tortillant devant moi d’une fort impudique manière, montrant tout
à la fois et sa ferme petite poitrine et son joli postérieur, et comme autant
d’appâts pour gobe-mouches tout ce qui en un rien peut affoler un homme. Il
s’en fallut d’un geste que je ne succombe à tant d’invites et encouragements,
et je me demande encore comment ne suis-je tombé tout rôti dans son bec.
Qu’avais-je à y perdre, me direz-vous, sinon peut-être y oublier un peu la
Margot, ce qui somme toute eût été un plus astucieux remède que celui enseigné
à la rude par Faujanet. Mais une antique prudence me retint toujours, car il me
sembla que toucher à la fille de la Maligou eût apporté son lot de désagréments
et de misères, et que peut-être j’y aurais joué ma place de valet en cette
maison. Quand j’y repense encore maintenant, je suis assuré que j’ai agi là
avec sagesse en ce tourment, et pourtant, il m’arrive, certains soirs de
lassitude où la vieillesse insiste sur le passé, de le regretter un peu.
    Il me tardait de voir s’achever enfin cette quarantaine que
je trouvais bien sévère, opinant – à tort, je l’appris plus tard –
que le mal de lèpre ne pouvait se laisser enfermer dans le corps sans s’y faire
reconnaître incontinent par les affreux symptômes que l’on sait. Mais je
n’imaginais guère que l’élargissement de nos prisonniers volontaires
s’accompagnerait, entre le baron et mon maître, d’un affrontement tel que la
violence en ébranla les murs du château et faillit jeter mon maître sur les
routes du royaume, sans que je sache bien ce que je serais devenu lors.
    Dans ses Mémoires, mon maître a conté cette grande querelle
et je l’ai évoquée ci-avant déjà, prouvant par là assez que j’étais céans à
Mespech au moment de l’affaire et non pas larronnant encore sur les chemins de
misère. Vous savez à coup sûr, mais je le rappelle ici pour le lecteur
catholique, que les huguenots renoncent à toutes images des saints, qu’ils
considèrent comme idolâtres, et que parmi toutes ces représentations
interdites, celle de Marie est encore la pire de toutes. Sur ce point, il n’y a
pas lieu de transiger.
    Je n’ai pas assisté moi-même à la terrible scène où le
baron, découvrant avec horreur que son fils portait au cou une médaille de Marie,
celle de sa mère qui lui avait fait jurer sur son lit de mort de la porter
toujours, lui ordonna à la fureur tant et tant de la retirer, et mon maître
s’obstinant à refuser, le chassa de Mespech avec serment de ne le revoir
jamais. C’est Samson qui me raconta cela et le pauvre ange avait eu tellement
peur de l’ire incontrôlée et quasi démentielle de son père qu’il en tremblait
encore à

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