L'avers et le revers
l’unique.
Sonde-moi,
Éternel ! Éprouve-moi,
Fais
passer au creuset mes reins et mon cœur ;
Je
ne m’assieds pas avec les hommes faux,
Je
ne vais pas avec les gens dissimulés ;
Je
hais l’assemblée de ceux qui font le mal,
Je
ne m’assieds pas avec les méchants.
Je
lave mes mains dans l’innocence,
Et
je vais autour de ton autel, ô Éternel !
Mais je ne pus finir car le nœud de la gorge me noua si fort
que mon chant s’étouffa, et que je restai coi, les yeux fixés sur les collines.
— Et pourquoi, mon bon Miroul, t’interrompre au milieu
d’un psaume de David ? dit une voix derrière moi.
Sauveterre se trouvait là, à deux pas derrière moi, lors je
me redressai incontinent, et d’avoir été surpris, je sentis mes joues et mes
oreilles s’échauffer comme celles d’une prude pucelle.
— C’est que, Moussu Sauveterre, il m’a fait penser à
mes parents, qui me manquent, parfois.
— C’est dans le psaume, Miroul, que tu dois puiser
toute fiance en le Seigneur, et que ta tristesse doit s’effacer.
— Sans doute, répondis-je en séchant furtivement une
larme qui s’échappait de ma paupière.
Il y eut un silence, non lourd et pesant, mais simple et
naturel, pendant lequel Sauveterre me considérait de sa plus grande attention.
Il était vêtu de noir, comme souvent, et sa face sombre et longue exprimait une
douce tristesse, mais aussi l’humanité dont il pouvait être capable.
— Où donc, mon bon Miroul, as-tu appris à chanter de la
sorte ?
— C’est don de nature, Moussu Sauveterre, point n’ai
vraiment appris, mais aussi loin que je me souvienne, je chante ainsi pour mon
plaisir.
— Et pour le plaisir des autres, car on a dû te le dire
déjà, la justesse de ta voix et sa beauté ravissent le cœur.
— Si fait, Moussu Sauveterre, j’avais bonne réputation
chez les miens.
— Je chante moi-même les psaumes, Miroul, et j’ai été
instruit à la musique, et ce que tu dis être don de nature est en réalité
mémoire de l’oreille, laquelle est rare et précieuse, car il n’y a pas que la
voix chez toi, aucune note n’est fausse, jamais, j’en témoigne.
— Je vous mercie prou et infiniment, Moussu Sauveterre,
et point ne savais que j’avais cette mémoire de l’oreille.
Sauveterre sourit, sans que j’en susse la raison, et il vint
s’accoter près de moi le long de la courtine.
— Et d’un instrument, en joues-tu ? reprit-il.
— Non, Moussu Sauveterre, il n’y avait rien de tel en
notre maison.
— C’est bien dommage, Miroul, car avec ce don que je
découvre, et ta grande habileté et adresse en toute chose, jusqu’au lancement
du cotel à ce qu’on m’a dit, tu aurais joué d’un instrument comme du grappin.
Te plairait-il d’essayer ?
— Si c’est votre volonté, Moussu Sauveterre.
— Tu ne sais pas, mon bon Miroul, la fortune que
possèdent ceux qui savent d’un instrument se servir. C’est don du ciel qui, de
leur vie, ne les quitte et les accompagne toujours dans les bons et mauvais
jours.
Sauveterre parut réfléchir un moment pendant que je
m’apensais que jouer du cornet à bouquin, du tambour ou de la flûte devait être
laborieux assez à apprendre mais que ce devait être une joie sans doute d’y
parvenir. Puis, sans dire mot de plus, Sauveterre me laissa et je le vis
s’éloigner, claudicant et bancal, et de le voir ainsi il me poigna un peu car,
à sa place, je ne souhaitais y être et ne comprenais pas pourquoi Dieu logeait
cette épreuve en la vie de certains, en épargnant les autres.
J’oubliai cette courte discussion et bien je pensais que Sauveterre
aussi l’avait gommée de sa mémoire quand, quelques jours plus tard, il me fit
mander par Barberine afin que je le rejoignisse en la librairie de Mespech pour
entretien. J’y courus presque pour non pas le faire attendre car c’est qualité
de valet que de répondre prestement et sans tarder à la sollicitation des
maîtres. Sauveterre était assis, un livre saint entre les mains, et dès qu’il
m’aperçut me commanda de m’asseoir face à lui sur une chaise qui, je le
soupçonne, avait été disposée là pour cet usage.
— Mon bon Miroul, me dit-il, te souviens-tu de notre
conversation sur les courtines à propos de ton don de mélodie ?
— Oui-da, Moussu Sauveterre.
Lors Sauveterre se pencha sur le côté et ramena à lui un
instrument que je n’avais mie remarqué en entrant et que je ne connaissais
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