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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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épais et qui travaillait dur à extraire les pierres et à les
tailler à la demande. Il avait choisi de vivre en la grotte qui jouxtait la
carrière et ne rechignait guère à la besogne, payé deux sols le jour, et
chassant à l’arc le gibier dont il redonnait les trois quarts à la frérèche. En
un temps où les bourgeois de la ville bâtissaient prou et en tout lieu, cette
carrière valait or et rapportait son pesant à leurs propriétaires. On dit que
Sauveterre était rude en affaires, et là encore, le marché, quand je l’appris,
me parut avantageux assez pour Mespech, et trop sans doute, mais il est vrai
que Jonas ne réclamait rien, très reconnaissant à ses maîtres du peu qu’ils lui
donnaient, dévoué en tout, étant somme toute un bon exemple de cette servitude
volontaire dont parle M. de La Boétie.
    Tant que la peste infectait le pays, Jean de Siorac se
méfiait prou de ceux du dehors, lesquels pouvaient introduire le mal en les
murs et le transmettre à ceux du dedans, car il ne se pouvait que l’existence
de ceux du dehors soit contrôlée en totalité, et qui ils fréquentaient
alentour, de sorte que la frérèche, au plus fort de l’épidémie, devint plus
circonspecte avec Cabusse à qui il fut demandé d’espacer les leçons d’escrime,
avec Jonas qui tailla seul un moment sans savoir pour qui et pourquoi, et avec
la Margot à qui Escorgol, sur ordre du baron, refusa parfois le franchissement
du châtelet d’entrée, la cantonnant au potager ou dans l’île.
    Quand Cabusse venait donner ses leçons d’épée et de combat,
là où sueurs et humeurs peuvent se mêler plus aisément et qui sont moments de
contagion, le baron exigeait que ses trois fils se frottent longuement le corps
avec du vinaigre avant que de se rendre à la salle, car le vinaigre repousse
les germes et les rejette, protégeant par son humeur froide et sèche de tous
poisons et venins, et donc du terrible mal qui trottait de par le pays.
    Il est merveille de constater que nul de Mespech ne fut
touché, ceux du dedans comme ceux du dehors, et que la mort qui frappait au
hasard, fauchant par grappes entières et à plaisir les familles et les
professions, accumulant en tas immondes les cadavres rongés par le mal, épargna
ce petit repaire de huguenots. Je cuide que Sauveterre y vit un signe du ciel,
un encouragement à poursuivre dans la voie tracée, lors que le baron, plus
médecin que religieux, y vit l’effet des précautions qu’il imposa à tous avec
la plus grande des sévérités.
    La fin de l’épidémie marqua le retour à la vie normale, et à
ce moment cessa donc de peser au-dessus des têtes la sombre et obsédante pensée
que l’existence est brève et n’est point assurée, même à quelques jours. Du
moins à Mespech, car à Sarlat, il n’en allait pas de même. Laissée à son triste
sort, la ville avait été prise en main par une bande de gueux misérables et
d’une pauvreté extrême, prêts à toutes les meurtreries pour survivre, et commandés
par un boucher qui répondait au nom de Forcalquier, mais qui se faisait appeler
par ses beaux sujets le baron de la Lendrevie, du nom du quartier de Sarlat
d’où il était originaire. Pour purger la ville de cette jacquerie qui sévissait
dans les faubourgs, la ville n’ayant plus de soldats et plus un sol vaillant
pour lever des mercenaires, les consuls lancèrent un appel pressant à la
noblesse du pays, du moins celle qui avait survécu, et Mespech fut contacté en
ce sens, au même titre que les autres seigneurs catholiques.
    Ce fut, après l’aventureux sauvetage de la Franchou, la
seconde expédition en la ville de Sarlat où le baron sollicita ses fils, Pierre
et Samson, ainsi que François cette fois-ci, pour un fait d’armes autrement
plus périlleux que le premier, et qui du reste n’eut pas l’heur, hélas, de se
conclure sans malheur. Mespech ne fut pas seul impliqué car Compagnac et
Puymartin acceptèrent aussi l’insigne et discutable honneur de s’en aller
risquer sa vie à combattre des gueux pour la simple gloire de servir la cité
sans rien en attendre en retour. Le camp des nobles, de fait, avait l’avantage
du nombre en cette équipée, dépassant la trentaine d’hommes, car ces gueux
atteignaient la vingtaine seulement, et n’étaient forts de ce qu’ils
terrorisaient un peuple pleutre et désarmé. Mespech envoyait douze hommes, le
baron, ses trois fils, les jumeaux Siorac, Cabusse, Marsal, Coulondre,

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