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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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l’avait tout à plein stoppée en son élan.
    — Mais de tout temps, la Maligou, j’ai considéré, si tu
venais à nous quitter, que oncques Mespech ne trouverait meilleure cuisinière
que toi pour nous régaler la panse à chaque repue !
    — Point le Malin ne m’aura à la flatterie !
rétorqua-t-elle, et elle se pencha sur son fourneau comme si je n’étais déjà
plus en la salle commune.
    Peu me chaulait la Maligou et il en aurait fallu bien plus
que cette grenouille pour altérer l’inextinguible bonne humeur qui était la
mienne en ce présent. Au demeurant, je ne restai point désoccupé céans en cette
frivole oisiveté et, par mon maître qui entra à l’inopinée, je fus dès l’abord
requis pour un autre labeur, à la grande satisfaction de la Maligou, laquelle
fut très aise, et le fit savoir avec sa coutumière discrétion, de voir le
Diable écarté par la Providence et céder en cette soudaine tentative de
séduction qu’il avait entreprise sur elle. Mais qu’importent les besognes que
l’on me confiait, même les plus rudes, lesquelles j’accomplissais avec ardeur,
la joie au cœur, tout à la perspective de ma prochaine rencontre avec Margot.
    Quand le jour fut venu, et Dieu sait si l’attente parut
longue à mon impatience, je quittai comme à la flânerie la cour de Mespech,
franchis le châtelet d’entrée sans me retourner et tout en réfrénant l’envie de
courir pour non point attirer l’attention d’Escorgol, dont le zèle était du
reste assez limité, je pris la direction de l’île.
    C’est au niveau de la petite tour que j’encontrai Petremol
qui s’en revenait des écuries où certain travail avait dû l’occuper en matinée.
    — Eh Miroul, me fit-il, que tu ne viens pas te repaître
de la bonne repue de la Maligou ? Où vas-tu donc asteure ?
    — Que ne pourrai ce jour d’hui en profiter, Petremol,
répondis-je, l’estomac me porte comme une enclume et qu’il est si lourd et
chargé que rien ne saura s’y loger sans en ressortir illico ! De ce pas,
tu me vois allant marcher un peu en forêt pour me rebiscouler !
    — Adonc que bonne promenade te retape, Miroul !
    Et de compassion il me fit un engageant sourire auquel je
répondis, la main sur la panse, par une grimace qui se voulait prouver le mal
dont je souffrais. De second obstacle il n’y en eut point, et la grange de
l’île étant déserte, je m’y encoignai au mieux, assis dans le chaume, tout à
l’espoir que Margot saurait de l’encombrante Gavachette se débarrasser sans
détour.
    En ces prédicaments où le temps est suspendu, les minutes
comptent double ou triple, comme vous savez, et je me sentis tout languissant,
et même un peu marmiteux, le cerveau vide et l’angoisse taraudant le ventre,
brisant à l’infini les tiges de paille ou les mettant en gerbes jusqu’à taille
si grosse que mes doigts ne pouvaient mie les tenir.
    Margot fut si légère qu’elle pénétra en la grange sans que
j’en fusse alerté, si bien qu’elle se trouva tout soudain face à moi, ses yeux
de chatte me dévisageant comme si j’étais un quidam que oncques elle n’avait encontré.
Et je vis bien dans son regard et sa roide attitude que l’inquiétude avait
œuvré en son âme, y distillant un doute sur ma personne, et qu’elle s’était
presque attendue à ne point me trouver céans.
    D’un bond je me levai, et courant à elle, et elle à moi,
nous nous choquâmes à mi-chemin, et nous serrant à étouffer, de pleurs et de
rires mêlés, nous ne fîmes plus qu’un jusqu’à ce que nos émotions reprennent
indépendance. Lors je l’entraînai au plus profond de la paille et le
remue-ménage que ce fut, je le garde en moi, et ne le livrerai à quiconque,
quand bien même on me conduirait au gibet, car c’est là félicité du grand
émeuvement des sens que seule jeunesse connaît et qui ne se peut décrire.
    Mais même dans le plaisir la lassitude s’invite et nous fumes
tantôt allongés, flanc contre flanc et les yeux au plafond, à murmurer notre
béatitude et l’ivresse du moment. À la parfin, une crainte m’enveloppa que je
lui confiai sans détour.
    — Et si d’un pitchoune nos jeux en étaient le
terme ?
    — Je sais les cycles des garces, connais le mien et
rien ne devrait advenir asteure, répondit-elle.
    — Et si quand même ?
    — Lors je sais aussi les herbes pour faire pourrir et
tomber le fruit.
    — Ce serait mal…
    — Vramy, et pourquoi cela ? Ma

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