Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
Vom Netzwerk:
avec le pressant aiguillon que Barberine, sans le
savoir, avait utilisé. Tel un soldat aux ordres, j’empoignai incontinent le
paquet de linge et, ne me donnant pas même le loisir de m’enquérir de la santé
du petit Jacquou, lequel, non sans un malin plaisir, continuait de nous
tympaniser les oreilles, je sortis en grande presse, prouvant à Barberine que
j’étais bien le condisciple dévoué et attentionné qu’elle espérait. Prenant la
porte intérieure, je franchis le sombre couloir, m’engageai à grandes enjambées
dans l’escalier central et me retrouvai en une poignée de secondes à l’étage
supérieur.
    Dans le corridor, assez à l’inopinée et bien loin de la
retrouvaille dont je rêvais, j’y encontrai le baron, accompagné d’un Sauveterre
qui claudiquait rude pour se maintenir à sa hauteur, tous deux sortant de la
librairie, à ce qu’il me sembla. Le baron m’arrêta d’un geste impérieux et, par
un ordre incontournable et d’exécution immédiate, je crus y voir la fin de mes
belles espérances. Il n’en était rien, tout au rebours, et le destin continua
ici, et avec grâce, à paver ma route des bonnes et solides dalles de la
fortune.
    — Miroul, à pic te voilà céans ! s’écria le baron
en m’apercevant. Sauveterre et moi départons pour Sarlat à l’instant, ayant à y
régler quelque pressante affaire. Petremol nous accompagnera et, en passant,
nous prendrons Coulondre en son moulin de Gorenne. Ne sais où sont mes drôles en
ce moment et n’ai point le temps d’aller les y quérir ! Adonc Miroul, tu
le leur annonceras mon département, et que, dès ce soir, de retour nous serons.
Et ne t’arrête point à Pierre ou Samson, va le dire à François aussi !
M’entends-tu, Miroul ?
    — Oui-da, Moussu lou Baron, je ferai tout bien comme
vous le demandez. Peux-je, toutefois, finir cette tâche que me confia
Barberine ? dis-je en soulevant les linges à hauteur de mes yeux.
    — Mais certes, Miroul, certes ! répondit le baron
en s’inclinant par gausserie. Que le service de la reine Barberine passe avant
celui du roi !
    Et il me planta là, reprenant sa course derechef, toujours
suivi par le pauvre Sauveterre qui peinait à tant de presse et de célérité. Dès
que, dans le grand escalier, j’entendis leurs pas décliner, j’orientai les
miens vers la chambre de Sauveterre en laquelle je n’avais jamais pénétré
jusques-lors. La porte en était ouverte à demi, et je la poussai pour y
découvrir une Margot en plein labeur, à genoux et le buste penché, enfouissant
le balai sous le lit pour en extirper la poussière, tâche singulière dont
l’utilité m’a toujours intrigué, car la poussière y vit là bien quiètement, à
la dérobée et sans du tout déranger quiconque.
    À la découvrir enfin mon cœur s’accéléra, mais comme elle ne
m’avait mie entendu entrer, je restai un temps suffisant à l’observer se battre
avec la poussière honnie, laissant ainsi mon palpitant amoureux reprendre
souffle, car je suis émotif assez, du moins pour tout ce qui touche à la
bagatelle. Subitement, sans que je sache ce qui l’en avait avertie, peut-être
mes pieds de par-dessous le lit furent-ils aperçus, elle se redressa et
toujours à genoux, lâchant le balai, ses joues virant à l’écarlate, elle posa
ses verts et intenses yeux de chatte sur moi et s’écria d’une fort peu
engageante manière :
    — Miroul ! Est-ce donc à l’espion que tu joues en
ce château ! Que fais-tu céans en fainéant de valet qui oncques ne
travaille et reluque comme je suis à la tâche !
    — Tout doux, Margot, répondis-je, car le fainéant de
valet vient te prêter la main et non point te reluque ! Vois cette pile de
linge que j’amène à toi, sur ordre de Barberine qui soigne son petit Jacquou.
    — Comment ? Son Jacquou est blessé ? dit-elle
en changeant de ton, inquiète tout soudain à la pensée que quelque chose de
grave eût pu survenir.
    — Non point, Margot, il a chu sur le carreau et sans
plus que bosse sur crâne, mais le petit Jacquou pleure plus qu’il ne souffre à
ce que j’en devine ! Et tu connais les mères, qui sont vite trompées par
le jeu des marmailles !
    Elle se leva, ajusta sa robe, me regarda d’une étrange
façon, et dit :
    — C’est le linge de M. de Sauveterre ?
    — Oui, c’est ainsi que j’ai compris la chose.
    Des bras elle me prit la pile, avec l’autorité du
spécialiste qui ne peut souffrir

Weitere Kostenlose Bücher