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L'avers et le revers

L'avers et le revers

Titel: L'avers et le revers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Olivier Merle
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jusqu’à l’essentiel, pour une course que
nul ne peut retenir, et le sien aussi, je le sentais sous mes doigts, si bien
qu’il ne se put que nous ne franchissâmes les dernières barrières qui nous
conduisirent au terme de notre sensuelle folie. Car c’est bien une sorte de
folie qui s’empare des drôles et des garces en ces troublants instants qui sont
hors du temps et de notre discernement.
    Quand d’une jouissance commune nous émergeâmes enfin, et que
nos langues et le reste se séparèrent, Margot la première reprit ses esprits,
et bien que caressant doucement et tendrement et mes hanches et mon dos, elle s’alarma
derechef du lieu où nous étions.
    — En la chambre de M. de Sauveterre,
Miroul ! Sommes-nous fols ?
    Et je ne sais ce que l’idée d’être en cette chambre, et
précisément en celle-là, me fit, mais je réprimai à grand-peine un fou rire
qui, se communiquant, passa à Margot, et bientôt nous fumes tous deux riant à
gorge déployée, et nos corps enlacés secoués par des tressautements
incontrôlables. Là encore, c’est Margot qui revint la première à de terrestres
craintes, et me repoussant de toutes ses forces sur le côté, se releva d’un
bond.
    — Lève-toi donc, grand nigaud ! s’écria-t-elle. Et
ta place et la mienne nous perdrons si on nous surprend !
    Bien raison elle avait, Margot, et je n’ose imaginer, même
en pire cauchemar, Sauveterre ouvrant tout soudainement la porte et nous
découvrant sur son lit et au milieu de son linge, à moitié nus, en une posture
tant claire et évidente qu’elle nous vouait pour toujours aux gémonies puis aux
flammes de l’enfer. Ceci nous fut épargné. Dieu merci, et je gage que nous ne serions
allés si loin céans sans cet inopiné voyage du baron et de Sauveterre qui fut
signe de grande Providence pour moi et ma belle Margot.
    Inquiète, elle me pressa de vider les lieux et de la laisser
remettre tout en état, et le linge et le lit, pour que rien de ce qui advint en
la pièce ne se puisse soupçonner. Comme un robeur, j’entrouvris la porte pour
glisser la tête dans le corridor, lequel était calme et désert, à notre infini
soulagement, et lors me retournant, j’attirai Margot à moi pour un tendre
baiser.
    — Quand ? dis-je simplement.
    — Ni tantôt, ni demain… répondit-elle.
    — Quand ? insistai-je non sans une certaine
âpreté.
    — Dans deux jours, au potager, je serai avec la
Gavachette, et à l’aventure Barberine et la petite Hélix. Si quatre nous sommes,
je pourrai les laisser pour la repue de midi et te rejoindre en la grange de
l’île, pour peu que tu sois habile assez pour t’y rendre sans que personne ne
t’y voie. Si, au rebours, avec la Gavachette je suis seule au labeur, ce ne
sera point possible cette fois-là, car je ne saurai quitter la Gavachette sans
qu’elle pose d’innombrables questions sur ce que je vais faire et m’en
débarrasser oncques ne pourrai.
    — En la grange je me tiendrai, Margot.
    Lors elle me poussa hors la pièce et, dans le mouvement de
recul, nos bras tendus se longèrent en s’épousant jusqu’à une ultime et
lointaine caresse des mains, lesquelles une dernière fois se serrèrent, avant
que de se retrouver abandonnées.

 
Chapitre VII
    Point n’existe à mon sens de moments plus délicieux en ce
monde que ceux où le rêve s’est accompli et où, le tenant encore pour une
insurpassable nouvelleté, il brise votre existence de sa lassante monotonie et
vous rend joyeux même en vos plus quotidiennes et rébarbatives tâches. Ainsi
étais-je, à peine ayant quitté Margot en la chambre de Sauveterre, sifflotant
et fredonnant tout en dévalant le vaste escalier de Mespech, et surgissant en
la salle commune, la face pleine et entière, tel un diablotin ravi et réjoui de
tout.
    Et tant que j’en devins étrange à l’entourage, m’approchant
de la Maligou penchée sur ses marmites et lui lançant un bien inhabituel salut
lors que, d’un long temps, je ne lui avais mie adressé la parole.
    — Quoi de bon nous prépares-tu asteure, la
Maligou ?
    Elle se redressa de surprise, m’envisagea comme si ma raison
s’était égarée puis, se reprenant, et très à l’agressive, pointa son menton
vers moi.
    — Et depuis quand que tu t’en intéresses, émissaire de
Satan ?
    Ce disant, elle se signa et aurait même, encore et derechef,
jeté une poignée de sel sur ma personne si la crainte d’être dénoncée à
Sauveterre ne

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