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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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premiers mots que j’aie jamais dits sur la guerre !
    Et d’autres voix disaient :
    –  Crotte, y vous attrapent toujours, tôt ou tard. Alors, autant aller au-devant. Mon vieux était dans la marine, à la dernière, et y m’a dit : « C’est toujours les premiers qui se présentent qu’ont les meilleures places. C’était comme ça à la dernière, qu’y m’a dit, c’est pas la peine d’être intelligent, faut seulement arriver de bonne heure. »
    Et ils disaient :
    –  Ça m’est égal d’aller faire un tour dans leurs îles. S’il y a une chose que je peux pas supporter, c’est bien New York en hiver. En été, y faudrait qu’y viennent me chercher, mais j’ai un boulot extérieur, de toute façon, à la Compagnie du Gaz, et ça peut pas être pire.
    Et ils disaient :
    –  Viens boire un coup. Et vive la guerre ! Figure-toi que la dame qu’était avec moi me dit en entendant la radio : « Ça y est. Ils sont en train de tuer des petits » gars américains », et je lui ai dit : « Clara, je m’engage demain matin pour défendre la démocratie », et die s’est mise à pleurer, et je l’ai allongée, tel que je te le dis, sur son propre plumard et sous les yeux du portrait de son mari en costume de matelot. Y avait trois semaines que j’essayais de l’avoir, cette gonzesse, et elle me rebalançait chaque fois que je croyais toucher au port. Mais hier soir c’est tout juste si, dans son patriotisme, elle a pas fait claquer les ressorts du sommier.
    Et ils disaient :
    –  Merde pour la Marine. Je veux être quelque part où je puisse me creuser un trou.
    Debout parmi les patriotes, Noah attendait son tour d’être interviewé par l’officier recruteur. Il avait passé un mauvais moment, la veille au soir, lorsqu’il lui avait fallu dire à Hope ce qu’il s’apprêtait à faire. Il avait mal dormi, aux prises avec un de ses vieux cauchemars, dans lequel il était attaché le long d’un mur et criblé de balles de mitrailleuse, et il s’était levé dans l’obscurité pour aller s’engager à Whitehall Street, espérant arriver assez tôt pour éviter d’être pris dans la foule qui assiégerait certainement les bureaux de recrutement. En regardant les autres autour de lui, il se demanda comment il se faisait qu’ils n’aient point déjà été appelés d’office, et c’était à peu près tout ce que son esprit fatigué était capable de faire pour l’instant. Dans les jours qui avaient précédé l’attaque, il avait essayé de ne penser à rien, mais, implacable, sa conscience avait fini par prendre pour lui la décision ultime. Si la guerre commençait, il lui était impossible d’hésiter encore. En tant qu’honorable citoyen, en tant qu’ennemi du fascisme, en tant que Juif… Il secoua la tête. Qu’est-ce que cela avait à voir avec le reste ? La plupart de ces hommes n’étaient pas des Juifs, et cependant ils étaient tous là, à six heures et demie, un matin d’hiver, le deuxième jour de la guerre, prêts à mourir. Et ils valaient mieux – il le savait – que l’impression qu’ils s’acharnaient à donner d’eux-mêmes. Plai santeries grossières et jugements cyniques n’étaient que façade, tentatives embarrassées de cacher la véritable profondeur des sentiments qui les avaient amenés en ces lieux. Alors ? en tant qu’Américain, simplement. Il refusait, pour l’instant, de se classer dans aucune catégorie spéciale. « Et je leur demanderai, pensa-il, de m’envoyer dans le Pacifique. Pas contre les Allemands. Pour leur prouver que ce n’est pas parce que je suis Juif… Allons, c’est ridicule, pensa-t-il, j’irai où ils me diront d’aller. »
    Une porte s’ouvrit, livrant passage à un gros sergent au visage réjoui, qui hurla :
    –  O. K., O. K., les gars ! Cessez de cracher sur le plancher, ces locaux appartiennent au gouvernement. Et vous bousculez pas. On n’oubliera personne. Y a de la place pour tout le monde, dans l’armée. Vous entrerez un par un, par cette porte, quand je vous le dirai. Et laissez vos bouteilles dehors. C’est un bât iment de l’armée, ici, et pas un bistrot !
    Ils y passèrent la journée. Noah fut conduit à l’ Ile du Gouverneur dans un ferry-boat de l’armée qui portait le nom d’un général. Appuyé au bastingage, sur le pont encombré, le nez rougi par l’air vif, il observait le mouvement du port et se demandait, vaguement, quel acte d’héroïsme ou de

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