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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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concerne.
    Elle ricana.
    –  Ça te fera peut-être plaisir de savoir que les rapports de mon mari disent que tu es un soldat loyal et compétent, et qu’ils te recommandent chaudement pour l’École des Cadres.
    –  Il faut que je pense à l’en remercier, dit sèchement Christian.
    –  Évidemment, dit Gretchen, tu ne pourras jamais devenir officier. Ils ne t’enverront même pas sur le front russe. Si ton unité y est envoyée, ils te transféreront ailleurs.
    « Quel imprévisible traquenard, pensa Christian, quelle irrémédiable catastrophe. »
    –  Voilà, dit Gretchen. Naturellement, quand ils ont découvert qu’une femme qui travaille pour le ministère de la Propagande, qui, officiellement et officieusement, est l’amie de hautes personnalités militaires, et…
    –  Pour l’amour de Dieu, dit Christian, irrité, en q uittant sa chaise, cesse de parler comme un juge d’instruction.
    –  Tu dois comprendre ma position…
    C’était la première fois que Christian entendait Gretchen parler de ce ton défensif.
    –  Il y a des gens qui ont été envoyés dans des camps de concentration pour moins que ça. Il faut que tu comprennes ma situation, chéri…
    –  Je comprends ta situation et je comprends la situation de la Gestapo, et je comprends la situation du général Ulrich, vociféra Christian, et ils m’ennuient tous à mourir !
    Il se rua vers elle et s’arrêta devant elle, la dominant de toute sa taille, complètement hors de lui.
    –  Et toi, tu crois que je suis communiste ?
    –  Là n’est pas la question, chéri, dit prudemment Gretchen. La Gestapo pense que tu peux l’être. Voilà l’ennuyeux. Ou, du moins, que tu peux ne pas être tout à fait… digne de confiance. Ne m’en blâme pas, je t’en prie…
    Sa voix, soudain, se lit douce et implorante.
    –  Tout serait différent si j’étais une femme ordinaire, avec un emploi ordinaire. Je pourrais voir qui je voudrais, je pourrais aller avec toi où je voudrais… Mais, dans ma position, c’est trop dangereux. Tu ne peux pas savoir. Il y a trop longtemps que tu n’étais pas revenu en Allemagne. Tu n’as aucune idée de la façon dont les gens disparaissent, brusquement. Pour rien. Pour moins que ça. Sincèrement, je t’en prie… n’aie pas l’air aussi furieux.
    Christian soupira et s’assit. Il lui faudrait un certain temps pour s’habituer à cet état de choses. Il sentit, soudain, qu’il n’était plus chez lui. Il n’était qu’un étranger, errant au hasard dans une contrée dangereuse, étrange, inconnue, où chaque mot avait un double sens, chaque action, des conséquences imprévisibles. Il pensa au château, en Pologne, aux étables, aux parties de chasse et sourit amèrement. Il aurait de la chance s’ils le laissaient retourner à ses leçons de ski.
    –  Ne me regarde pas comme ça, dit Gretchen. Tu as l’air si… désespéré.
    –  Excuse-moi, dit-il. Je vais te chanter quelque chose.
    –  Ne sois pas cruel avec moi, dit-elle humblement. Qu’y puis-je ?
    –  Tu peux aller les trouver. Tu peux leur expliquer. Tu me connais. Tu peux leur prouver…
    Elle secoua la tête.
    –  Je ne puis rien prouver.
    –  Je vais y aller, moi. Je vais aller voir le général Ulrich.
    –  Pas question !
    Sa voix avait retrouvé toute sa dureté.
    –  Ce serait ma perte. Ils m’ont dit de ne rien te dire. De cesser de te voir. Is te rendraient la vie difficile, et Dieu seul sait ce qu’ils me feraient, à moi. Promets-moi que tu n’en parleras à personne.
    Elle paraissait terrorisée et, après tout, ce n’était pas sa faute.
    –  Je te le promets, dit-il lentement.
    Il se leva, et jeta un dernier regard à la pièce qui était devenue le centre même de sa vie.
    –  Eh bien !…
    Il essaya de sourire.
    –  Je ne peux pas dire que ma permission n’a pas été agréable.
    –  Je suis affreusement navrée, murmura-t-elle.
    Elle l’enlaça doucement.
    –  Tu n’es pas forcé de partir… immédiatement…
    Ils se sourirent.
    Mais, une heure plus tard, elle crut entendre du bruit, à l’extérieur, sur le palier. Elle le fit se lever, s’habiller, partir comme il était venu, par la porte de derrière et éluda sa question, lorsqu’il lui demanda quand il pourrait la revoir.
    Christian était assis dans le coin d’un compartiment bondé, le visage absent, les traits tirés, les yeux clos. Le train approchait de Rennes. Une odeur lourde, une odeur rance,

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