Le Bal Des Maudits - T 1
ton complet gris.
– C’est tout juste s’il n’est pas percé aux coudes !
– Mets-le tout de même. Il me plaî t .
– O. K.
– Et, moi, qu’est-ce que je vais me mettre ?
Pour la première fois depuis le début de la conversation, Peggy parlait comme une petite fille, d’un ton sérieux et incertain.
Michael rit doucemen t :
– Pourquoi ris-tu ? demanda Peggy , o ffensée.
– Répète-le. Répète encore « Qu’est-ce que je vais me « mettre ? » pour moi tout seul.
– Pourquoi ?
– Parce que ça me fait rire et penser à toi, et que j’ai envie d’être très tendre avec toi quand je t’entends dire : « Qu’est-ce que je vais me mettre ? »
– Mon Dieu ! tu ne t’es pas levé du pied gauche, aujourd’hui, dit Peggy, enchantée.
– Certainement pas.
– Qu’est-ce que je vais me mettre ? Ma robe d’imprimé bleu ou mon tailleur beige avec le chemisier crème, ou…
– L’imprimé bleu .
– Elle est si vieille !
– L’imprimé bleu !
– Très bien. Cheveux relevés ou coiffure basse ?
– Basse.
– Mais …
– Basse !
Seigneur, dit Peggy, je vais avoir l’air de sortir de Harlem. Tu n’as pas peur de rencontrer un de tes amis ?
– J’en accepte le risque, dit Michael.
– Et ne bois pas trop.
– Oh ! Peggy !
– Tu vas dire au revoir à tous tes vieux amis, et…
– Peggy, je te jure que…
– Et il faudra t’amener à l’année dans une brouette. Fais attentio n !
– Promis.
– Content que je t’aie téléphoné ?
Peggy parlait de nouveau comme une jouvencelle ru quête d’un flirt.
Je suis content que tu aies téléphoné, répondit Michael.
– C’est tout ce que je voulais savoir. Bois ton jus d’orange.
Elle raccrocha.
Michael posa doucement le récepteur, en souriant et évoquant Peggy. Puis il s’assit pour mieux penser à elle.
Au bout d’un moment, il se leva et gagna la cuisine. Il mit de l’eau à bouillir dans une casserole et mesura trois cuillerées de café, reniflant avec délice le parfum qui montait de la boîte ouverte. Il but son jus d’orange en longues gorgées rafraîchissantes, tout en sortant les œufs, le bacon et le pain. Il fredonnait en préparant son petit déjeuner. Il aimait le préparer lui-même, en pyjama, les pieds nus sur le plancher froid. Il déposa cinq tranches de bacon dans une grande poêle et alluma le gaz.
Le téléphone sonna dans la chambre à coucher.
– Oh, la barbe ! jura Michael.
Il ôta la poêle de la flamme et retraversa le salon, remarquant, comme il le faisait chaque fois, l’agréable confort qui régnait dans cette pièce, le haut plafond et les larges fenêtres, et les livres empilés le long des murs, sur les étagères.
– Allô ! dit-il.
– Ici, Hollywood, Californie. Monsieur Whitacre ?
– Oui.
Puis la voix de Laura, grave et modulée, malgré la distance.
– Michael ? Michael , c héri…
Michael soupira.
– Hello ! Laura…
– Il est sept heures du matin, en Californie, dit Laura d’un ton accusateur. Je me suis levée à sept heures du matin pour te parle r.
– Merci, dit Michael.
– J’ai entendu parler de toi, continua-t-elle avec véhémence. Tu es complètement fou de vouloir t’engager comme simple solda t.
– Pas tellement, ricana Michael. Nous sommes quelques millions dans le même cas.
– Ici, protesta Laura, tout le monde est, au moins, major.
– Je sais, dit Michael. Raison de plus pour n’être que simple soldat.
– Cesse donc de vouloir te singulariser ! coupa Laura. Tu n’y arriveras jamais. Je connais ton estomac.
– Mon estomac, déclara gravement Michael, me suivra partout dans l’armée.
– Tu le regretteras deux jours après.
– Probablement, acquiesça Michael.
– Tu seras en prison deux jours après ton arrivée, cria Laura. Un sergent te dira quelque chose qui ne te plaira pas, et tu lui flanqueras ton poing sur la figure. Je te connais.
– Écoute, dit patiemment Michael. Personne ne flanque son poing sur la figure d’un sergent. Ni moi, ni personne d’autre.
– Tu ne t’es jamais laissé commander par personne dans ta vie, Michael. Je te connais. C’est l’une des raisons pour lesquelles il est impossible de vivre avec toi. Mais j’ai tout de même vécu trois ans avec toi, et je te connais mieux que…
– Oui, Laura chérie, approuva patiemment Michael.
–
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