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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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de chaque côté de la route un remblai assez élevé. Il n’y discerna aucun signe de vie. Elle était plongée dans une ombre épaisse par les feuillages des arbres, qui s e rejoignaient en arche au-dessus d’elle. Christian se retourna. Ils s’étaient arrêtés juste après un virage et les deux autres voitures étaient invisibles. Elles avaient dû s’arrêter dès que leurs occupants avaient entendu les coups de feu. Christian se demanda ce qu’ils faisaient maintenant et se maudit mentalement pour s’être endormi à un moment aussi inopportun.
    Il était évident que la barricade avait été hâtivement improvisée ; elle se composait essentiellement de deux arbres abattus, toujours munis de leur feuillage, avec des pommiers et des matelas coincés entre les deux, une carriole retournée et des pierres prélevées sur un vieux mur voisin. Son emplacement avait été fort bien choisi. La voûte des feuillages la ravissait aux regards des observateurs aériens, et la seule façon de la découvrir était de franchir le tournant et de tomber dans le panneau, comme ils l’avaient fait eux-mêmes.
    Ils avaient eu de la chance que les Français tirent trop tôt. La salive de Christian avait goût de poussière. Il avait terriblement soif. Les cerises qu’il avait mangées lui piquaient la langue, tout à coup, à cet endroit où l’avait légèrement brûlée la fumée des cigarettes.
    « S’ils ont deux liards d’intelligence, pensa-t-il, ils doivent être déjà en train de nous contourner, pour nous tirer de flanc comme des lapins. Comment ai-je pu m’endormir ? se dit-il, en regardant intensément les deux arbres abattus dans l’ombre énigmatique, à une centaine de mètres en avant de la voiture. S’ils disposaient d’un mortier ou d’une mitrailleuse, placés quelque part dans les bois, ce serait fini en cinq secondes. » Mais rien ne bougeait, devant eux, que l’oiseau sautillant sur l’asphalte, au-delà des marguerites.
    Il y eut un bruit, derrière lui, et il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Mais c’était seulement Maeschen, un des hommes des deux autres voitures, qui rampait vers eux dans les hautes herbes. Maeschen rampait correctement, méthodiquement, comme on le lui avait enseigné, dans les camps d’entraînement, avec son fusil niché entre ses bras.
    –  Qu’est-ce qui se passe, là-bas derrière ? demanda Christian. Quelqu’un de blessé ?
    –  Non, haleta Maeschen. Ils se sont rangés dans un sentier perpendiculaire. Tout va bien. Le sergent Himmler m’a envoyé jusqu’ici voir si vous étiez toujours vivants.
    –  Nous sommes vivants, affirma ironiquement Christian.
    –  Le sergent Himmler m’a dit de vous dire qu’il allait retourner au Q. G. d e la batterie rapporter que vous avez pris contact avec l’ennemi et leur demander d’envoyer deux tanks, reprit Maeschen, toujours comme on le lui avait enseigné durant les longues heures fastidieuses de son instruction.
    Christian reporta son regard vers la barricade, mystérieuse et basse dans les ténèbres vertes, entre les deux rangées d’arbres. « Il fallait que ce soit à moi que ça arrive, pensa-t-il amèrement. S’ils apprennent que j’étais endormi, je n’y coupe pas du conseil de guerre. » Il eut la vision soudaine d’officiers désapprobateurs, derrière une longue table, froissant devant eux des papiers officiels, et lui, debout et rigide, de l’autre côté de la table, attendant que le coup s’abatte.
    « C’est gentil de la part de Himmler, pensa-t-il ironiquement, d’offrir d’aller chercher des renforts et de me laisser choir ici à me faire casser la gueule. » Himmler était un homme jovial, braillard et corpulent, qui riait toujours et prenait des airs énigmatiques quand on lui demandait s’il était parent de Heinrich Himmler. On admettait généralement, au bataillon, qu’ils étaient de la même famille, oncle et neveu, probablement, et tout le monde le traitait avec une prudente considération. À la fin de la guerre, cette parenté mystérieuse lui aurait sans doute gagné les galons de colonel – lui-même était un soldat médiocre qui n’arriverait jamais à rien par ses propres mérites, – et l’on découvrirait, après coup, qu’il n’y avait absolument rien entre eux, pas le moindre petit lien familial…
    Christian secoua la tête. Il lui fallait se concentrer sur la tâche qui l’attendait, cent mètres plus loin. Formidable à quel

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