Le Bal Des Maudits - T 1
point c’était difficile ! De chacun de vos mouvements pouvait dépendre votre vie, et votre cerveau n’en continuait pas moins de prendre d’innombrables tangentes ! Himmler, l’odeur rance du corps du chauffeur, le petit oiseau sautillant sur la route, la pâleur de Brandt, sous son hâle, et la façon dont il était allongé, mordant la poussière, comme s’il envisageait la possibilité de se creuser une tranchée avec ses dents.
Aucun mouvement derrière la barricade. Elle reposait sur la route, les feuillages de ses deux arbres faiblement agités par le vent.
– Restez à couvert, chuchota-t-il aux autres.
– Dois-je rester ? demanda anxieusement Maeschen.
– Si ça ne vous fait rien, répondit Christian. Nous servons le thé à quatre heures.
Maeschen le regarda, perplexe, vaguement gêné et épousseta la culasse de son arme.
Christian glissa le canon de sa mitraillette entre les marguerites et visa la barricade. Il respira profondément. « La première fois, pensa-t-il. Les premiers coups de feu depuis le début de la guerre. » Il lâcha deux courtes salves. Le bruit fracassa le silence, et les marguerites s’agitèrent follement, devant ses yeux. Quelque part, derrière lui, il entendit des grognements, des gémissements étouffés. « Brandt , p ensa-t-il, le photographe. »
Pendant un moment, rien ne se produisit. L’oiseau avait disparu, et les marguerites cessèrent de s’agiter et les échos des coups de feu moururent dans les bois. « Non, pensa Christian, il n’est pas possible qu’ils soient aussi stupides. Ils ne sont pas derrière la barricade. Ce serait vraiment trop facile ! »
Puis il repéra les canons des fusils, à la partie supérieure de la barricade. Il y eut plusieurs détonations et le sifflement rageur des balles, autour de sa tête.
– Non, oh non, oh non !...
Toujours Brandt. C’était tout ce qu’on pouvait attendre d’un peintre paysagiste d’âge déjà mûr.
Christian s’obligea à garder les yeux ouverts. À mesure qu’ils tiraient, il compta les fusils. Six, peut-être sept. C’était tout. Aussi brusquement qu’il avait commencé, le feu cessa.
« C’était trop beau pour être vrai, pensa Christian. Ils ne doivent pas avoir d’officier avec eux. Sans doute une demi-dou zaine de simples soldats, abandonnés par leur lieutenant, effrayés, mais courageux, et faciles à prendre.
– Maeschen !
– Oui, sergent.
– Retournez auprès du sergent Himmler. Dites lui de remettre sa voiture sur la route. Ils ne peuvent être vus d’ici. Ils sont parfaitement en sécurité.
– Oui, sergent.
– Brandt !
Christian ne regarda pas en arrière, mais il parla d ’une voix aussi coupante et méprisante que possible.
– Brandt ! Assez !
– Certainement, dit Brandt. Ne faites pas attention. Je ferai ce que vous me direz de faire. Croyez-moi. Vous pouvez compter sur moi.
– Maeschen, reprit Christian.
– Oui, sergent.
– Dites à Himmler que je vais couper à droite à travers bois et essayer de les surprendre par derrière. Qu’il traverse la route à l’endroit où il se trouve et fasse de même de l’autre côté, avec cinq hommes au moins. Je ne pense pas qu’il y ait plus de six ou sept hommes derrière cette barricade, et ils ne sont armés que de fusils. Ils ne sont probablement accompagnés d’aucun officier. Pouvez-vous vous souvenir de tout cela ?
– Oui, sergent.
– Je tirerai sur eux dans un quart d’heure, dit Christian, et leur demanderai de se rendre. Je ne pense pas qu’ils résistent longtemps en se voyant cernés. S’ils combattent, vous devrez être en position de bloquer leur retraite de l’autre côté. Je laisse un homme ici, au cas où ils tenteraient de s’enfuir en franchissant leur propre barricade. C’est bien compris ?
– Oui, sergent.
– Très bien. Allez.
– Oui, sergent.
Maeschen s’éloigna en rampant, le visage tendu par la détermination et le sens du devoir.
– Diestl, dit Brandt.
– Oui, répondit froidement Christian sans le regarder. Vous pouvez, si vous le voulez, retourner avec Maeschen. Vous n’êtes pas sous mon commandement.
– Je veux aller avec vous.
La voix de Brandt était parfaitement calme.
– Ça va maintenant. Je n’ai eu qu’un mauvais moment.
Il rit un peu.
– Il fallait seulement que je m’habitue à ce qu’on me tire dessus. Vous avez dit que vous alliez leur demander de se
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