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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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disparut. Prudemment, Christian et Brandt s’approchèrent et s’agenouillèrent derrière le mur. Sur la route, derrière la barricade, leur prisonnier, debout, parlait rapidement à sept soldats agenouillés ou étendus sur l’asphalte. Occasionnellement, l’un d’eux levait les yeux vers les bois, et leurs voix n’étaient qu’un murmure rapide, mal assuré. Même dans leurs uniformes, avec leurs fusils au poing, ils avaient l’air de paysans assemblés pour discuter quelque important problème local. Christian se demanda quel accès obstiné, désespéré, détermination personnelle ou patriotique, avait poussé ces pauvres bougres sanglants, maladroits, sans officiers, livrés à eux-mêmes, à ce pathétique et inutile essai de résistance. Il ne voulait pas tuer un seul de ces hommes furtifs et las, dans leurs uniformes déchirés et souill és.
    Leur prisonnier se tourna vers le mur et agita les bras.
     – C’est fait ! cria-t-il. On en a marre.
    –  Il dit : « C’est fait, ils sont prêts à se rendre », traduisit Brandt.
    Christian se leva, leur fit signe de déposer leurs armes. À ce moment, de l’autre côté de la route, éclatèrent trois courtes salves. Le Français qui avait joué le rôle de médiateur s’écroula, les autres se dispersèrent, en tirant autour d’eux, au hasard et disparurent, un par un, dans les bois.
    « Himmler, pensa amèrement Christian. Au plus mauvais moment, bien entendu. Et lorsqu’on avait besoin de lui… »
    Christian franchit le mur et glissa le long du talus jusqu’à la barricade. Ils tiraient toujours, de l’autre côté, mais sans résultat. Les Français avaient disparu, et Himmler et ses hommes ne semblaient pas disposés à les poursuivre.
    Lorsque Christian parvint au pied du remblai, l’homme qui gisait sur la route bougea. Il s’assit sur son séant et regarda Christian. Puis il étendit le bras vers une caisse de grenades, à la base de la barricade, en prit une. Christian se retourna. L’homme fixait sur lui un regard haineux et tentait, avec ses dents, d’arracher la goupille. Christian tira, l’homme retomba, la grenade roula sur le sol. Christian bondit vers elle, la ramassa, la jeta dans les bois, attendit l’explosion, accroupi derrière la barricade, près du Français mort. Mais rien ne se produisit : l’homme n’avait pas pu ôter la goupille.
    Christian se leva.
    –  Allez-y ! cria-t-il. Himmler ! vous pouvez venir.
    Il baissa les yeux vers l’homme qu’il avait tué , tandis que Himmler et les autres surgissaient des broussailles. Brandt prit une photo du cadavre. Les photos de Français morts étaient encore plutôt rares, à Berlin.
    « J’ai tué un homme », pensait Christian. Finalement, il ne ressentait rien de particulier.
    –  Qu’est-ce que vous dites de ça ? jubilait Himmler. Voilà comment il faut travailler. C’est un coup à attraper la Croix de Fer, je parie  !
    –  Oh, mon Dieu, dit Christian, tenez-vous tranquille.
    Il ramassa le cadavre et le traîna jusqu’au bas-côté de la route. Puis il ordonna aux autres hommes de démolir la barricade, tandis qu’il retournait avec Brandt à l’endroit où gisait le corps de Kraus.
    Lorsque Brandt et lui rapportèrent sur la route le cadavre de Kraus, Himmler et les autres avaient presque fini d’abattre la barricade. Doucement ils déposèrent Kraus auprès du Français ; Kraus paraissait très jeune et très en forme, et ses lèvres étaient tachées de jus de cerise, comme celle d’un petit garçon qui sort de la cuisine, l’air penaud, après avoir pillé les pots de confiture. « Eh bien, pensa Christian, en contemplant le gros garçon à l’esprit simple qui avait ri de si bon cœur des plaisanteries de son sergent, tu as tué ton Français. » Lorsqu’il arriverait à Paris, il écrirait au père de Kraus pour lui expliquer comment son fils était mort. « Sans peur, écrirait-il, joyeux et belliqueux, le type même, le meilleur type de soldat allemand. Fier en cette heure de souffrance… » Christian secoua la tête. Non, il faudrait trouver mieux. Ça ressemblerait trop aux lettres idiotes de l’autre guerre et – il était impossible de ne pas le reconnaître – elles étaient devenues, avec le temps, plutôt comiques. Quelque chose de plus original pour Kraus, quelque chose de plus personnel. « Nous l’avons enterré avec du jus de cerise sur les lèvres et il riait toujours de mes plaisanteries et il

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