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Le Bal Des Maudits - T 1

Le Bal Des Maudits - T 1

Titel: Le Bal Des Maudits - T 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Irwin Shaw
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avait une voix coupante et lasse, qui aurait pu appartenir à Bismarck, au temps où il fréquentait l’école militaire. Il ne regardait pas autour de lui ; les vieux bât iments clos de Paris, qui l’entouraient, ne l’intéressaient pas ; au centre de la capitale française, le premier jour de son occupation par des troupes étrangères depuis 1871, son attitude n’était pas différente de celle qu’il aurait eue sur un champ de manœuvres, en dehors de Kônigsberg. « Quelle personnalité admirable, misérable, pensa Christian, quel homme précieux, dans une armée ! »
    –  À dix heures, dit Christian, nous avons pris contact avec l’ennemi sur la route de Meaux à Paris. L’ennemi, qui avait édifié une barricade en travers de la route, a ouvert le feu sur notre véhicule de tête. Nous l’avons attaqué avec neuf hommes. Nous avons tué deux ennemis et chassé les autres de leur position. Puis nous avons démoli la barricade.
    Christian hésita, une fraction de seconde.
    –  Oui, sergent ? dit le lieutenant sans s’émouvoir.
    –  Nous avons perdu un homme, mon lieutenant, dit Christian, pensant : « Voilà où commencent mes déboires. » Le caporal Kraus a été tué.
    –  Le caporal Kraus, dit le lieutenant. À-t-il fait son devoir ?
    –  Oui, mon lieutenant.
    Christian se remémora le gros garçon enthousiaste, qui avait crié : « Je l’ai eu ! je l’ai eu ! » parmi les arbres bruissants.
    –  Il a tué un des ennemis avec ses premières balles.
    –  Excellent, dit le lieutenant.
    Un sourire glacé, fugitif, tordit une seconde son long nez anguleux.
    –  Excellent.
    « Mais il est enchanté ! » nota Christian, stupéfait.
    –  Je suis sûr, dit le lieutenant, que le caporal Kraus sera décoré.
    –  Je pensais, mon lieutenant, dit Christian, écrire une lettre à ses parents.
    –  Non, dit le lieutenant. Ce n’est pas votre travail. C’est l’affaire du commandant de la compagnie. Le capitaine Mueller s’en chargera. Je lui communiquerai les faits. Ce genre de lettre est très délicat à écrire, et il est important qu’elles expriment les sentiments convenables. Le capitaine Mueller dira exactement ce qu’il faut dire.
    « Il y a probablement, au collège militaire, pensa Christian, un cours de « Communications personnelles aux proches parents ». Une heure par semaine. »
    –  Sergent, dit le lieutenant. Je suis satisfait de votre conduite et de celle des hommes placés sous votre commandement.
    –  Merci, mon lieutenant, dit Christian.
    Il se sentait absurdement heureux.
    Brandt s’approcha et salua. Le lieutenant lui rendit froidement son salut. Il n’aimait pas Brandt, qui n’avait jamais eu ni n’aurait jamais l’allure d’un soldat. Le lieutenant ne cachait pas son opinion des hommes qui faisaient la guerre avec une caméra au lieu d’un fusil. Mais les ordres du Quartier Général étaient d’apporter aux photographes toute l’assistance possible, et ils étaient trop impératifs pour pouvoir être transgressés.
    –  Mon lieutenant, dit Brandt, de sa douce voix de civil, j’ai reçu instructions de me présenter place de l’Opéra, aussitôt que possible, avec ma pellicule. Les films y sont centralisés et immé diatement envoyés par avion à Berlin. Peut-être pourrais-je avoir un véhicule pour m’y conduire ? Je reviendrais immédiatement.
    –  Je vous le ferai savoir dans quelques minutes, Brandt, dit le lieutenant.
    Il pivota et traversa la place dans la direction de la voiture amphibie du capitaine Mueller, qui venait juste d’arriver.
    –  Il est fou de moi, ce lieutenant, dit Brandt.
    –  Vous aurez votre bagnole, dit Christian. Il est de très bonne humeur.
    –  Je suis fou de lui, moi aussi, musa Brandt. Je suis fou de tous les lieutenants.
    Il contempla, autour de lui, les teintes sombres des immeubles. Les casques et les uniformes gris et les larges silhouettes des soldats paraissaient étrangers et bizarrement déplacés devant les enseignes françaises et les cafés aux volets clos.
    –  La dernière fois que je suis venu ici, dit Brandt d’un ton nostalgique, c’ét ait il y a moins d’un an . J’avais une veste bleue et un pantalon de flanelle. Tout le monde me prenait pour un Anglais et se montrait gentil avec moi. Il y a un petit restaurant épatant, là-bas, après le coin de la rue. C’était une belle nuit d’été. J’étais venu en taxi, et j’étais accompagné

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